vendredi 9 décembre 2011

Histoires de rien!



Mon prochain blogue avec une classe de 5-6 et des élèves de Montréal


Vendredi 11 novembre 2011
11-11-11…
À 11h00 il y  aura 1 minute de silence sur la plage d’Umiujaq pour se souvenir.
1… l’unité, l’individu… 11… l’unité, l’individu…mais à 2? 11-11-11… Vivre individuellement, mais en groupe? Et pourquoi ne pas essayer 11 minutes de silence? Autre question : si on se parle dans sa tête… est-ce que ça compte quand même comme du silence?
Ben non voyons! Je ne suis ni sous l’effet de la drogue, ni sous l’effet de l’alcool! Peut-être sous l’effet euphorique du congé ou du premier mini blizzard d’hier.
Mais pour revenir au silence… quand j’écris…? Certains penseront peut-être que je ne réfléchis pas, mais je vous assure que c’est le cas! Et se rend-on toujours compte de nos réflexions? Je veux dire, est-ce que nous utilisons toujours des mots pour organiser nos pensés? Et puisque nous en sommes aux questions… Est-ce que quelqu’un peut me dire en quelle langue elles pensent les personnes sourdes? Et les personnes aveugles tant qui y être, elles voient quoi dans leurs rêves (à ce sujet, j’ai rêvé qu’une araignée me chatouillait le fond de la gorge… lorsque j’ouvrais la bouche pour la laisser sortir, elle tissait une magnifique toile pour se laisser glisser dehors… elle était belle, avec des couleurs éclatantes, de superbes pattes poilues… peut-être que c’est le sevrage de bière qui fait ça!!!)?
Mais pour revenir au silence… que dire de la loi du silence? Je crois que dans le nord, cette loi existe implicitement… Le silence de l’individu pour préserver l’unité de la communauté… Et c’est ici que ça devient trop sérieux pour mon vendredidimanche matin. Mais j’y reviendrai un jour à ce silence obligé de ma communauté d’accueil. J’y reviendrai quand je le comprendrai assez pour ne pas le juger avec mes yeux d’qalunat.

(Parlant de jugement et d’qalunat… Comment je dirais bien ça… Là, je ne sais pas si j’emploierai le mot juste… mais je crois bien avoir quelques fois été la cible de racisme depuis mon retour au nord. Quand dans une rencontre de travail en petit comité, une personne dit : « You qalunat you think…»… ça me fait un peu drôle. Ben pas vraiment drôle en fait, parce que ça me donne l’impression de me faire catégoriser dans un groupe auquel on attache des comportements et des pensées qui ne sont pas les miennes… Ben pas vraiment drôle en fait, car ça m’enlève une partie de ma propre personnalité pour la substituer par une autre qui n’est pas la mienne. Ben pas vraiment drôle, parce qu’un peu blessant et voir même un peu choquant de se faire attribuer de mauvaises intentions par une collègue de travail… parce que ce qui a suivi ce fameux « You allunat you think… » n’avait rien de très positif intégrant des mots comme dominants et dominés…
Racisme ou stéréotype… Jugement… Je ne saurais trop dire, mais reste que je me suis beaucoup questionnée (et je me questionne encore) sur mes comportements d’qalunat après ce que j’ai malheureusement perçu comme des accusations. Je sais bien que je suis naïve et que ces discours courent probablement depuis bien avant mon arrivée… Mais cette année, ils m’ont finalement rattrapée! Une source de questionnement de plus moi!)

En face de chez moi le matin


Donc… Un vendredi comme un dimanche pour moi. J’adore les congés du vendredi.
Je vous laisse deviner… Trop facile… Installée dans mon fauteuil bleu préféré, une BD pas loin, le kfé d’une main et le clavier de l’autre. La bande sonore du film Out of Africa sonne de cette rare perfection à mes oreilles. Je n’imagine rien de mieux que cette musique instrumentale pour côtoyer mes pensées à ce moment présent.

Puis là, parce qu’on peut faire des bons dans le temps sous le simple clic d’un « enter » de clavier d’ordinateur… on se retrouve peut-être trois semaines après les dernières lignes que vous venez de lire.


Vendredi le 9 décembre, 8h39. Normalement, je commence l’école à 8h50, mais aujourd’hui c’est un peu différent. Je vous raconte ma routine habituelle du matin. En général, je me réveille entre 6h30 et 6h40 (sans alarme, juste pour rien et là je n’ai pas voulu écrire entre 6h36 et 6h38 car vous m’auriez dit que j’exagère, mais en réalité c’est vraiment vrai je me réveille presque toujours entre 6h36 et 6h38 (les trois minutes confondues là)…) Ce matin, étrangement, je me suis réveillée un peu plus tard… 6h47… Tiqilik teo4 (est-ce que je vous ai dit que je suis des cours d’inuktitut depuis quelques semaines? Eh oui… en plus de mes devoirs d’anglais, j’ai toute une liste de devoirs d’inuktitut à faire chaque jour!!! Et en puis, je dois pratiquer quotidiennement, car je croise ma prof tous les jours et elle me parle la plupart du temps en Inuktitut ce qui fait de beaux dialogues de sourds, car je ne suis pas très douée pour apprendre les langues et même un peu pas mal lente, mais bon c’est tout de même plaisant d’impressionner mes élèves de géographie en écrivant en inuktitut au tableau pour commencer mes cours!). Donc, pour en revenir à mes moutons (car vous le comprendrez bientôt, le thème aujourd’hui est le blanc (comme la laine des moutons blancs pour ceux qui n’auraient pas fait le lien)),  aujourd’hui, journée pas comme les autres, je me suis réveillée un peu en retard et j’ai tout de suite su qu’il y aurait quelque chose de différent. J’ai décidé de rester au lit pour commencer mon nouveau roman. Les romans je les lis dans mon lit et les BD dans mon fauteuil préféré, voilà pour les détails inutiles. 7h36, je regarde l’heure et je me dis qu’il est temps de passer aux choses sérieuses, entendre ici le café et la douche. Pour ceux qui n’aiment pas les détails inutiles, je vous suggère de sauter les prochaines lignes, car là, vous connaîtrez bientôt tout de moi (enfin presque tout). Donc, lorsque je m’extirpe de mon lit ça se déroule comme suit : j’attrape mon IPOD touch (ben oui j’en ai acheté un nouveau après m’être fait voler l’an dernier, mais rassurez-vous celui-là je ne l’amène pas à l’école), je mets l’alarme à off (alarme que je n’ai pas entendue sonner depuis des semaines, car elle est fixée à 8h02), je passe dans le couloir de la cuisine où, à tâtons dans le noir, j’appuie sur le bouton ON de la cafetière (merci encore Isabelle pour cette machine espresso) et je continue ma route jusqu’à la station d’écoute sur laquelle je branche mon IPOD. La musique se met en route instantanément pendant que j’ouvre les stores laids verticaux de mon salon. Je me dirige ensuite jusqu’à la salle de bain. Douche toujours rapide parce que depuis que je suis dans le nord, j’essaye d’économiser au maximum, car on ne sait jamais quand le camion d’eau va briser… puis retour à la cuisine pour faire couler mon premier café de la journée. Pendant que la tasse se remplit, je jette systématiquement un coup d’œil à mon chaudron d’eau (car je la fais bouillir depuis mon retour de l’Inde… mon système n’ayant pu se réadapter à notre bonne eau propre du Nunavik, mais là je vous épargnerai les détails, parce que franchement pas ragoutants et encore moins intéressants) et je m’en fais bouillir un peu s’il le faut, car… on ne sait jamais quand le camion d’eau va briser. Quand le café est prêt, je m’installe finalement à ma table de cuisine et j’utilise généralement cette petite heure tranquille du matin afin de faire un peu de devoirs d’anglais ou d’inuktitut.
Mais ce matin… comme la routine ne s’est pas enclenchée comme à son habitude, je suis restée au lit une petite heure en me disant au diable renards nordiques, loup et ours polaires! Tant pis les devoirs, je commence ce nouveau roman sans le moindre cas de conscience!
En face de chez moi le matin quand
il y a une éclaircie dans le blizzard
7h36, je me lève, me dirige vers la cafetière. Malgré l’heure tardive, la lueur de la clarté ne transperce toujours pas à travers mes stores laids verticaux. C’est donc à tâtons que je tourne la machine à ON. Zut! J’ai oublié mon IPOD dans ma chambre! Je continue cependant ma route vers la grande fenêtre et pensant à toutes ces secondes musicales que je suis en train de perdre, j’ouvre les stores sans vraiment regarder à l’extérieur. Même si je remarque vaguement quelques plaques de neige accrochées à mes vitres, je prends la route de la douche comme un automate. Vous connaissez la suite de la routine, sauf qu’au moment de couler le café, au lieu de m’intéresser au chaudron d’eau, mon regard prend le chemin opposé et c’est la fenêtre finalement recouverte de neige qui attire mon attention. Je laisse donc le café à lui-même et m’approche de ma grande baie window (pas vraiment baie window, mais tout de même, je me dis qu’une window qui fait face à la baie peut sans doute porter ce nom et peut-être encore plus que les fenêtres des maisons des villes qui n’ont jamais vu la mer!). Bon je trouve un petit coin dégagé et plante mon œil droit dedans… et je n’y vois que du blanc (comme la laine d’un mouton blanc pour faire un lien avec le thème du jour)! Sophie, tu te rappelles cet immense rideau blanc du parc du BIC? Eh bien ce grand écran blanc est maintenant devant chez moi à Umiujaq. Espérant un vrai blizzard depuis maintenant 2 semaines, je regarde ce « mauvais » temps en n’y croyant guère et je continue à me préparer pour aller travailler. M’étant laissée rattraper par l’ombre de mes remords, je m’installe café à la main à la table de la cuisine pour avancer un peu mes devoirs d’Inuktitut. Je me dis que 20 minutes valent mieux que rien surtout que je fais piètre figure comparée à mon collègue qui assiste également aux cours avec moi et qui est franchement trop brillant (non, mais ils ne sont pas chiants un peu ces gens surdoués qui retiennent et comprennent tout sans montrer le moindre signe d’efforts!!!)! Je suis donc totalement concentrée dans mes ta ti tu ra ri ru nga ngi ngu quand on frappe à ma porte!?!!? Je lance un oui? Pas de réponses. Je me rappelle donc que la porte avant est barrée et je m’y dirige donc avec curiosité. Personne. Je me dirige alors vers la porte de derrière, donnant accès au corridor qui connecte mon appart à celui des voisins d’en haut (vous savez la voisine qui vient parfois aux toilettes chez moi). Ben oui, c’est Alain qui est là avec un sourire pour me dire qu’il n’y a pas d’école ce matin et que, joie ultime, nous n’avons même pas à nous rendre au travail! Mes remords s’envolent d’un coup, une poussée d’énergie me submerge et je vois les prochaines 5 heures comme un cadeau incroyable. On dit que le temps c’est de l’argent, mais aujourd’hui, je serais tentée de dire que le temps, ça n’a pas de prix!

Ma matinée blizardesque s’est transformée en journée complète de congé forcé. Izabelle qui travaille aux services sociaux a eu la brillante idée de m’appeler vers 9h30 pour prendre des nouvelles. Comme un seul homme, elle a bravé la tempête matinale et a sans doute été la seule à déambuler dans les rues du village pour se rendre au travail. Réalisant qu’elle serait la seule à travailler aujourd’hui, elle n’a fait ni un ni deux et a transféré du boulot à chez moi. C’est drôle, quand Izabelle m’appelle du travail, on peut s’envoyer la main par la fenêtre pendant qu’on se parle, mais aujourd’hui impossible de voir quoi que ce soit venant de la maison des services sociaux. J’ai laissé tomber l’inuktitut pour des cafés avec Iza et quand elle est partie, je me suis attaquée à Aya! Afin de faire durer le plaisir de cette BD, j’ai pris quelques pauses de lectures que j’ai occupées à avancer mon dernier travail d’anglais, à tricoter un nouveau foulard et à écrire quelques lignes. Maintenant, il est passé 17h00. Mes fenêtres sont recouvertes de neige. Je pense que ma maison ressemble à un igloo!


Tiqilik : teo4 : just kidding, c’est juste une blague (wow!!! Trilingue!!!)

À la cueillette des poissons avec Lucassie



Quelques clichés en vrac

Les braves élèves!
Mes cours de photos avec les élèves d’IPL sont la plupart du temps très intéressant. Peu importe ce que je leur propose, ils sont toujours partants, en autant que j’aie l’air enthousiaste. Ma dernière idée en liste avec eux a été de les faire sortir sur la plage par un jour de mini « tempête ». Je manque de photos hivernales nordiques. Bien sûr, j’ai toute une panoplie de paysages enneigés, mais la plupart du temps quand je sors, il fait « beau ». Je n’ai que peu d’amis prêts à sortir par mauvais temps… alors… je me suis dit que les élèves d’IPL… n’auraient pas le choix de suivre leur enseignante!!! Il ne faisait pas beau, il faisait froid, il y avait beaucoup de vent. Une fois dehors, une des élèves a quitté le groupe, se disant sans doute que j’étais un peu fêlée pour les faire sortir par un temps pareil!!! J’avoue que je me suis trouvée pas mal drôle lorsque nous nous sommes retrouvés sur la plage, essayant de ne pas geler sur place. C’était la première fois que I était avec nous. Il vient tout juste d’être transféré du secteur régulier vers ce cheminement particulier. L’année dernière, j’étais supposée de suivre cet élève en orthopédagogie, mais il a toujours refusé d’assister aux rencontres. Je me suis dit… ça passe ou ça casse! I a pris des photos, il m’a même posé des questions et… et… il est revenu au cours suivant, et au suivant, et au suivant!!! D a fait de belles photos, P n’avait pas de gants alors il n’a pris que peu d’images, S a suivi et a fait de son mieux tout en rouspétant, M qui est retournée chez-elle est sûrement allée se fumer un pétard en se disant que nous n’avions pas de bon sang!!!

Le fameux F-150

Mais je ne les torture pas toujours ces jeunes photographes très doués en passant. Il y a quelques semaines, j’ai emprunté le camion de l’école et nous sommes partis faire un tour au Richmond Gulf. Nous avons pris l’après-midi… et nous avons failli prendre plus… En bonne conductrice de la ville, à mi-parcours, je nous ai royalement enlisés dans le sable… Assise au volant de ce F-150, je ne pouvais pas croire que nous faisions du sur place! Trois élèves dans la boîte du camion et un à mes côtés pas du tout confiants ayant bouclé sa ceinture de sécurité. J’ai aperçu et entendu les sourires s’accrocher aux visages de mes jeunes acolytes! M est descendue de la boîte et s’est installée à côté de moi en me demandant si j’avais mon permis de conduire… P habituellement pas très expressif a laissé échapper quelques rires francs. Quand j’ai finalement débarqué du véhicule pour aller constater l’ampleur des dégâts, j’ai tout de suite compris que nous ne serions pas en mesure de nous en sortir seuls…  Quel ne fut pas mon soulagement lorsque j’ai vu apparaître au loin le loader. Lorsqu’il est arrivé à notre hauteur, j’ai fait un signe de la main au conducteur qui, le sourire aux lèvres m’a retourné la politesse… sans s’arrêter!!!! Je me suis donc mise à courir après notre sauveur qui à ce moment ne savait pas encore qu’il le serait! Gêné, je lui expliqué la situation. Il m’a regardé, l’air vraiment étonné et il a stationné son mastodonte à côté de notre petit F-150… Il s’est installé au volant et deux secondes plus tard. Il était sur la terre fermer, les quatre roues AU-DESSUS du sol! Ben oui, c’est vraiment plus facile quand on met le 4x4…
M est venu me demander si je n’étais pas un peu embarrassée par cette aventure et je lui ai répondu que oui, mais que je l’étais sans doute moins que si j’avais dû abandonner le camion et rentrer à pied jusqu’au village avec eux!

Nous y voilà déjà à ce premier stretch de complété pour cette deuxième année dans le nord! Noël est inévitablement une étape importante dans cet exil de 10 mois. Une semaine exactement me sépare de ma date… prévue de départ vers le sud. Déjà 4 mois de passés… Est-ce que c’est juste moi? Ciel que le temps passe rapidement. Même si je me suis ennuyée de vous au cours de ces premiers 4 mois, je n’en reviens pas encore d’être déjà arrivée au mois de décembre. Je vous dis donc à très bientôt. La bière sera bonne, mais sûrement pas autant que les histoires et les nouvelles que vous aurez à me raconter!

Passez un bon temps des fêtes. Si la tempête peut se clamer, je verrai peut-être le Père Noël et ses reines s’entraîner dans le ciel d’Umiujaq ;-)

Joyeux Noël et Bonne année!





samedi 5 novembre 2011

Questionnements et sport extrême!



Samedi le 5 novembre 2011… Pourquoi j’ai cette bizarre impression que je viens tout de reprendre le rythme au travail? Quel départ lent cette année, même si en réalité, les semaines passent toujours aussi vite. Et heureusement qu’elles passent  rapidement les semaines, car là je m’ennuie. Je m’ennuie de ma famille, de mes amis… de mes microbrasseries (Parlant de microbrasseries… une catastrophe se dessine pour moi à l’horizon de mon Nord… Je vous épargnerai les détails bureaucratiques, mais je vous laisse imaginer le pire… Coupe drastique (genre de moitié) dans le nombre de kilos cargo (ça veut dire par avion) bouffe qui nous est alloué. Un peu flou tout ça pour vous, mais je vais vous présenter une image concrète de la situation. Mon cargo bouffe c’est ce que je commande par internet chez IGA (vous savez, mon activité préférée du dimanche…).  Dans ces commandes internet, je commande de la bouffe… mais aussi de la BIÈRE. Vous comprenez maintenant la catastrophe qui se dessine à l’horizon de mon Nord!! Moitié moins de kilo… ça veut dire… que je dois maintenant faire un choix! Bière – Bouffe – Bière – Bouffe – Bière –Bouffe – Bière - Pas facile! Dans ma réflexion je me dis que la bière quelque part ça nourrit non? Ben non voyons! Vous savez bien que mon dilemme n’est pas si grand et que je suis une fille raisonnable! Au diable la bouffe et vive la bière quoi (Et là je suis ironique pour ceux qui ne l’auraient pas compris)! Pourquoi le dessin de la catastrophe n’est pas encore tout à fait terminé? Il y a 4 semaines environ, avant que j’apprenne cette terrible nouvelle réalité, j’ai fait une méga épicerie incluant une méga commande de bières! Alors mon but maintenant c’est de rouler sur cette commande jusqu’à Noël (Puis là, je réalise qu’il me reste tout de même 6 semaines avant d’arriver à Mtl et je me trouve un peu ambitieuse dans mon objectif)! Tout va bien aller, je suis bonne, j’suis belle, chus capabe! Fin de la parenthèse!).


Samedi le 5 novembre 2011 et me voilà à faire du camping dans l’appartement d’un collègue pour encore quelques jours. La mère de ce dernier est en « ville » et son appart (mon ancien appart) est un peu petit (une seule chambre) pour deux. Même si j’ai un peu hâte de retrouver le confort de mon chez-moi (en fait spécialement de ma petite cuisine), c’est trop cool de passer quelques jours dans cet appart que j’adore. Je retrouve ma fenêtre et son trou (ben oui, le trou est toujours là, même après un an), mon fauteuil brun et mon deuxième étage. En plus, aujourd’hui le vent est parfait! Il vente, il vente, il vente et je crois que la maison tout entière va s’envoler! Ce matin, j’ai du passer une dizaine de minutes juste à regarder la Baie déchainée! Le point de vue est magnifique, les murs bougent et moi j’ai le sourire aux lèvres! Merci Mark d’avoir accepté ma suggestion d’échange!

 
Samedi le 5 novembre 2011 et je procrastine plus que jamais! Qu’est-ce que ça fait du bien, mais qu’est-ce que ça va me causer du stress d’ici la fin de la journée. La seule manière de procrastiner sans ressentir trop de remords est de m’installer pour vous écrire. Procrastiner : remettre quelque chose au lendemain. L’avantage théorique (entendre ici ma théorie personnelle) avec le lendemain, c’est que techniquement ça n’arrive jamais (demain, le lendemain va devenir aujourd’hui donc il n’existera pas réellement… ben quoi on se donne bien les définitions qu’on peut)… Le désavantage pratique avec le lendemain, c’est que malgré toutes les théories que je peux essayer de m’inventer… le temps lui il continue d’avancer et mes dates de remises de travaux, elles, sont bien fixées dans le calendrier ! Est-ce que je vous l’ai déjà dit ? Si jamais l’idée vous prend de vous inscrire à deux cours universitaires par correspondance pendant que vous travaillez à temps plein… de grâce… NE LE FAITES PAS ! Hahahaha ! Un cours à la rigueur aurait pu aller, mais là, deux c’est trop pour mon petit cerveau ! Et ciel que je ne suis pas une bonne élève. Mes travaux sont douteux… Je viens de recevoir mes premiers résultats… Je pense que la correctrice m’a donné la note de passage seulement parce que j’ai mis du temps dans les travaux ! Anglais langue seconde… Ben c’est difficile ! À force de faire des lectures, des exercices et des travaux, c’est rendu que je suis de plus en plus gênée de parler avec mes amis anglophones, car je réalise toutes les erreurs que je fais et je suis toute perdue dans les bons modèles à utiliser maintenant!!!! Sandra, c’est de ta faute si j’ai pris 2 cours !!! Je me suis dit que comme tu ne serais plus là, j’aurais plein de temps ! Par peur de m’ennuyer, je me suis donc inscrite à ces deux cours ! Bon… je ne t’en veux pas, mais parfois je me dis que je devrais partager les travaux avec toi ;-)
Montée de lait terminée et je dois absolument vous remercier de me permettre de procrastiner !

Allons-y de quelques images en vrac…

Retour au Village.
Si je me rappelle bien, mes chroniques de la France se sont terminées en France n’est-ce pas avec la promesse de parler du retour dans ma prochaine chronique. Et bien nous y voilà dans cette prochaine chronique… Mais en y pensant bien… Prochaine et lendemain… ça pourrait bien avoir la même sorte de d’avantage théorique (entendre ma théorie) non ? Mais là, mon monde de contradictions se mettrait en branle et je deviendrais encore plus confuse que je ne le suis déjà, car je n’aurais plus d’excuse pour soutenir ma procrastination, car je ne pourrais plus remettre mes travaux à demain sous prétexte d’écrire mes chroniques… Ah là là !

On recommence…
Si je me rappelle bien, mes chroniques de la France se sont terminées en France n’est-ce pas avec la promesse de parler du retour dans ma prochaine chronique. Les retours à Umiujaq sont parfois difficiles, vous le savez. Pas difficile dans le sens que ce n’est pas plaisant de revenir ici là. Difficiles dans le sens qu’ils ne se déroulent pas toujours comme prévu. Habituellement, l’imprévu est réellement quelque chose que j’adore… En septembre dernier, j’ai appris quelque chose… les habitudes ont des limites elles aussi ! Rappelez-vous mes histoires d’avion Nunavikiennes et choisissez la pire. Maintenant, multipliez-là par 13… parce que c’est le nombre que nous étions dans le groupe au retour (Sandra ayant décidée de prolonger de quelques semaines sont séjours en Europe… la chanceuse…) .
Bon, je vous aide un peu. 19 septembre - le voyage Paris-Mtl : rien à dire. Tout s’est bien passé. 19 au 20 septembre - une nuit à Mtl : tout s’est bien passé… du moins en apparence (vous comprendrez plus loin ne vous inquiétez pas…). 20 septembre - le voyage Mtl-Umiujaq : il ne s’est jamais produit ce jour-là ! Vous commencez sans doute à comprendre. Départ de Montréal à 8h00 am le 20 septembre… retour à Mtl le 20 septembre… à 9h00 pm. Qu’aurais-je pu dire à un élève fatigué, brulé, crotté, affamé (car imaginez-vous donc qu’Air Inuit n’a jamais de backup de bouffe pour les passagers qui n’arrivent pas à atterrir là où ils le devraient… comme c’était quelque chose qui arrivait rarement…) pressé d’arriver chez lui qui me balance à la figure : What a waist of day ! 13 heures dans l’avion pour revenir à notre point de départ ! Seule j’aurais été ravie de revenir à Mtl… Avec 12 autres personnes… pas vraiment ravie je vous dirais. Je les aime sincèrement ces jeunes, mais après deux semaines… Nous avions tous besoin d’une pause les uns des autres, je crois. Bref, une fois le problème de l’hôtel résolu, après avoir nourri mes affamés, je me suis mise en mode méditation (genre stand-by). Minuit et demi, je me suis installée au lit en me disant que dans quelques heures tout reviendrait dans l’ordre. Que nous serions installés dans un nouvel avion qui nous amènerait directement à destination. L’âme pas tranquille du tout, je me suis tout de même endormie (voir plutôt assoupie) jusqu’à… 2 heures et demie je crois… Et là, j’ai vécu les 10 plus longues minutes de ma vie.
D’abord, se faire réveiller en Inuktitut… c’est étrange et ça sonne tout de suite comme quelque chose qui ne va pas… Même si je ne pouvais pas comprendre ce que se disaient Nellie et M , le ton de voix ne ment pas. Déjà debout avant même qu’on ne me dise en Français (ou peut-être en anglais) que Bi n’allait pas bien, Nellie et moi nous sommes précipitées dans la chambre des garçons. Bi allongé sur son lit, ayant de la difficulté à respirer, rouge et pas vraiment conscient… Inuktitut, Français, Anglais… toutes les langues s’entrecroisent. On essaye de le « réveiller ». Rien à faire. Nellie et moi on se consulte du regard et nos pensées rencontrent rapidement dans le mot ambulance qui s’inscrit sur nos lèvres. Avez-vous déjà essayé d’appeler une ambulance à partir d’un téléphone de chambre d’un hôtel ??? Moi c’était la première fois. Ben au Travel Lodge… c’est impossible d’appeler soi-même le 9-1-1 ! 911 directement sur la ligne : ça ne marche pas. 9 plus 911 : ça ne marche pas. 0 pour rejoindre la réception : ça ne marche pas toujours !  Re - 0 pour rejoindre la réception : ça marche parfois…
Pour faire ça court… Le Nord a rattrapé le Sud lors de ce re-passage obligé à Mtl. Bi, la veille, a réussi à se faire acheter de l’alcool (Smirnof Ice) par un Inuit qui était à l’hôtel en même temps que nous. La journée dans l’avion lui a donné soif il faut croire… 15 bouteilles plus tard… Nellie est partie avec lui à l’hôpital. Selon les médecins, Bi a failli mourir ce soir-là. Je vous rassure tout de suite, Bi va « bien » aujourd’hui. Il a passé une journée de plus à Mtl (en fait Longueuil MERCI MERCI Françoise et Richard !!!) Le reste du groupe en a été bon pour une bonne frousse.

Vous vous rappelez peut-être mieux que moi ce que j’ai écrit dans ma première chronique de l’année… Le regard… Mon inquiétude s’est matérialisée lors de ma dernière nuit à Mtl… Bi m’a ramené rapidement à ma réalité Nordique, soit observer sans pouvoir réellement faire quelque chose de concret et de durable. Après une expérience incroyable de deux semaines, Bi m’a remise brutalement à ma place… Nous avons pu sortir ces enfants du Nord pour quelques semaines… mais le Nord, dans tous ses aspects, est resté bien présent à l’intérieur d’eux-mêmes. Les Inuit ont une culture fantastique que je découvre un plus chaque jour. Loin de moi le désire de voir disparaître celle-ci. J’ai été fière des élèves tout au long de notre séjour en France, car ils ont su partager cette richesse qu’ils possèdent bien solidement ancrée en eux. Mais juste à côté de cette richesse, je commence à penser qu’une autre sorte de culture se développe, la culture acquise par la mise en contact avec des non inuits est en train de mener un combat à la première…  Quel sera le dénouement de ce combat ? Laquelle des deux cultures dominera ? Le statu quo est-il possible ? Est-ce que quelque chose de nouveau peut naître de cette confrontation ? Une trêve pourrait-elle survenir avant que l’une des deux cultures ne meure ? Quelque chose de nouveau doit nécessairement émerger de tout ça, car le retour en arrière est maintenant impossible pour ce peuple. J’aime penser que quelque chose émergera, mais je me demande combien de jeunes devront payer le prix de cette guerre interne ?

Dans un tout autre ordre d’idée…
Et pour vous faire sourire un peu… D’abord, connaissez-vous le cerf-volant de traction? Pour ceux qui ne connaissent pas, imaginez un très gros cerf-volant de forme rectangulaire à l’allure d’un parachute. Ajoutez quelques (en fait… plusieurs) mètres de corde  à votre image, une barre latérale pour faire bouger celle-ci et « contrôler la toile », une courroie attachée à un bras question de ne pas perdre l’engin en cas de bourrasque.
Ensuite, imaginez une plage de 10 mètres de large, un vent de 30km/h et… moi tenant cette barre latérale au bout de laquelle, dans les airs, flottent un rectangle de deux mètres rouge, orange et noir! J’espère que vous souriez déjà un peu là  et que vous avez une bonne image de ma dernière idée d’activité hivernale Nordique ! Car détrompez-vous, ma saison de sport extrême n’est pas encore officiellement commencée.  Je suis au stade de l’entraînement, car la glace n’est pas encore arrivée. Pourquoi parler de glace me direz-vous ? Et bien, préparez-vous à sourire davantage en ajoutant à votre image un accessoire supplémentaire qui vous assurera sans doute des récits délectables dans quelques mois : une paire de skis alpins (ou « pire » une planche à neige !!!).

Je récapitule donc. Un cerf-volant très grand, avec un bon vent, des skis et de la glace ! Ne vous inquiétez pas, je porterai un casque !!! Et peut-être aussi mon équipement de hockey ! Tegheli ! Lorsque j’aurai les instruments de glisse, le cerf-volant sera attaché à moi à l’aide d’un harnais. Je crois que j’ai de bonnes chances d’apprendre à voler dans les mois qui viennent. Allez mes jaloux, je vous raconterai comment on se sent, ne vous inquiétez pas !
Toujours est-il qu’en attendant, je me pratique sans les skis, sans le harnais et sans la glace… ce qui ne m’empêche pas de faire des tentatives de vol… Je vous rassure une fois de plus, je ne pars jamais seule faire de telles expériences. Mon collègue Denis est tout aussi… fou que moi… Je veux dire fou du vent bien entendu ! C’est vraiment amusant comme sport. Je ris beaucoup… de moi je veux dire. Je suis devenue experte dans l’art de faire du body sand surf sans planche ! Parce que voyez-vous, j’ai découvert que je suis un peu orgueilleuse. En fait, même si le cerf-volant est attaché à mon bras et qu’il est impossible de le perdre… il est hors de question que je lâche ma barre, il est hors de question que je laisse le vent avoir le dessus ! Ça, ça veut dire que si je me fais ramasser par une bourrasque, il y a toutes les chances que je me fasse tirer sur quelques dizaines de mètres, bedaine première, tête devant, bras tendus, cherchant à planter mes pieds dans le sable afin de stopper ma course ! Saviez-vous que le sable peut s’infiltrer vraiment partout ? Moi je le sais maintenant ! En plus d’avoir un plaisir de fou, je m’assure chaque fois une petite séance d’exfoliation totale !
Mais plus sérieusement, j’ai vraiment hâte d’essayer ça avec les skis ou la planche. Je prévois vraiment des protections (tête, genoux, coudes) et aussi, « talkie walkie »… au cas où je me retrouve incapable de revenir à destination.  De belles aventures en perspectives ! Mon deuxième objectif sera de me rendre aux îles en face… Mon premier sera de ne pas me blesser !

C’est ça qui est ça…
Voilà pour cette petite chronique. La vie suit son cours à Umiujaq. Malgré tous mes questionnements, je suis toujours aussi heureuse d’être ici. Le travail va bien même s’il n’est pas parfait (de toute manière juste dans le mot travail, il y a quelque chose d’imparfait!!!), les amis sont gentils, la nature est magnifique, la vie est simple (même si je trouve que je me la complique un peu avec mes deux cours…. Grrrrr…). La saison de hockey va bientôt commencer et cette année nous aurons une vraie équipe!!! Financement à l’horizon pour de nouveaux Jerseys (je serai le numéro 7) et de l’équipement de gardien de but. Un nouveau projet de fou commence à germer dans ma tête. Cirque social, Inuit et communautés autochtones de l’Amérique Latine… Il faut bien rêver un peu quoi! La vie est faite de ces rencontres qui amènent ce genre d’idée. Gen et Rachel merci de me faire rêver et j’espère qu’on se retrouvera dans ce nouveau projet. Mais avant tout engagement du genre, il me tarde d’accueillir nos amis Français à Umiujaq. Cette semaine, j’ai eu une vision du possible! Oui Oui les filles! Je nous ai toutes vues sur le Richmond Gulf, installées dans un hamutiq, avec ce même regard hagard que nous avions Sandra et moi en France en nous disant nous y sommes! J’ai retrouvé mon innocence salvatrice! C’est reparti mes kikis!

Vous n’y croirez peut-être pas, mais il est 15h40… J’ai passé une bonne partie de la journée à écrire. Quel bon moyen d’évasion! Merci à vous tous de me donner le prétexte d’écrire! J’aime tellement ça!!!! Est-ce que je pourrais être payé pour faire ça????? Imaginez le travail parfait pour moi : voyager autour du monde, rester quelques mois à un endroit, faire du bénévolat, prendre des photos, écrire mes récits de voyage et en tirer assez d’argent pour continuer à voyager, rester quelques mois à un endroit, faire du bénévolat, prendre des photos, écrire mes récits de voyage et en tirer assez d’argent pour continuer à voyager, rester quelques mois à un endroit, faire du bénévolat, prendre des photos, écrire mes récits de voyage et en tirer assez d’argent pour continuer à voyager, rester quelques mois… Une roue sans fin quoi! Je vous l’ai dit… Il faut bien rêver un peu!


Sur cette idée farfelue de ce que pourrait être le travail parfait pour moi, je vous dis à la prochaine. Merci encore de me permettre cette porte de sortie pour échapper à mes obligations d’étudiante. J’aurais dû m’inscrire à un certificat en création littéraire!
Dernière question : qui lit le blogue de la Russie???? Et du Chili?

On se voit bientôt!
Vikie XXX

 








samedi 22 octobre 2011

Chronique de France


Mardi 27 septembre… 6 jours que nous sommes de retour… Ce matin, je me réveille pas trop fatiguée! Ouf enfin! C’est qu’il a été difficile ce voyage en France! Pour ceux qui croient que je suis allée passer des vacances dans le pays de nos ancêtres, je vous arrête tout de suite… 10 jours en France et 4 jours à Montréal avec 11 élèves ça ressemble à tout sauf à des vacances!!!! Je peux aussi vous affirmer que je dois être la personne qui peut dénombrer le plus rapidement 11 jeunes dans une foule!!! Je compte de 1 à 11 à une vitesse incroyable maintenant et je peux repérer mes petits acolytes de vraiment loin ! Une compétence comme une autre me direz-vous hihihi!

Un an plus tard et nous y sommes arrivés. Je me rappelle clairement cette marche le long de la baie d’Hudson avec Sandra. C’était en septembre, probablement presque à la même date que maintenant, peut-être même un peu avant. Sandra avec son projet farfelu d’amener des élèves en France, mais aussi avec ses doutes. Moi avec toute ma confiance innocente, lui assurant que l’Afrique m’avait appris que lorsqu’on croyait vraiment en un projet… il n’y avait d’autre option que de le voir se réaliser!!!  Merci pour toute cette naïveté!!


Chronique 1 – Le départ
Dimanche 11 septembre 2011 (ou peut-être 12 septembre… n’ayez crainte… je ne repartirai pas avec mes histoires de calendrier… c’est seulement que là, je vous écris de mon lit avec le pouvoir de mon insomnie de décalage horaire et je ne sais plus trop si nous sommes toujours dimanche et pas plutôt lundi…). Nous avons quitté le village il y a déjà 4 jours!

Mais là, il faut que je m’arrête! Vous savez bien que lorsque l’on parle d’un voyage en partance d’Umiujaq, il faut inévitablement commencer par parler du départ en avion. Je croyais qu’après mon aventure de la dernière semaine de relâche (la course folle du pickup de l’école dans le village, chargé de mes collègues enseignants, cherchant à me trouver pour aller prendre l’avion qui était devancé…)  j’avais atteint le top des histoires à raconter en la matière. Eh bien non!
À vos marques, prêts, parteznepartezpasparteznepartezpaspartez!!!! Je vous explique ce jour incroyable de fébrilité. Un peu comme sur un nuage, le 7 septembre dernier je me suis retrouvée à l’école, ne sachant plus trop quoi faire de mon moi-même, étant un peu excitée à l’idée de partir vers Montréal et Paris… L’avant-midi se déroule donc comme dans une sorte de brume… un peu à l’image de celle qui s’installait en même temps sur notre cher village nordique… 13h15, rendez-vous de tous les élèves à l’école. 14h00, départ pour l’aéroport… L’avion est à 15h45… Brouillard brouillard quand tu nous tiens… Nous sommes tous un peu silencieux face à cette couverture qui refuse de se retirer… Comme prévu, l’avion a du retard… 16h00, toujours pas d’avion… 16h30, toujours pas d’avion… 17h00, l’avion passe par dessus nos têtes sans atterrir… Je sens un peu de soulagement chez certains des élèves, mais nous sommes pour la plupart déçus… et moi je commence à me stresser un peu… Comment Air Inuit fera pour nous mettre tous sur l’avion du lendemain??? Nous sommes 13 à voyager…
Comme chaque fois qu’un avion ne se pose pas, une confusion s’installe dans l’aéroport… Nous bagages nous attendent dehors, Willie ramène les élèves au village, Nellie et moi attendons des nouvelles puis finalement trop étourdies par toute cette cacophonie, nous retournons vers le village.
Nellie chez-elle, moi chez-moi… Je sors mon ordi et mon bottin de téléphone. Je contacte d’abord Sandra qui attend mon appel avant de quitter Victoriaville pour venir nous rejoindre à Montréal. Je contacte ensuite Martin qui était supposé venir nous chercher à l’aéroport de Mtl. Je raccroche et le téléphone sonne… C’est Nellie qui me dit que l’Avion va essayer de ré atterrir!!!! Vite vite vite, je rappelle Sandra et Martin… Changement de programme, l’avion revient, nous partirons peut-être finalement! Je remballe mon ordi, je prépare un sac de bouffe pour les élèves et j’attends à côté de ma porte. Dring dring… le téléphone sonne de nouveau… C’est encore Nellie... Finalement, Air Inuit nous réserve des places sur l’avion du lendemain, celui qui monte vers le Nord, pour nous faire prendre le Jet qui redescend vers Montréal en fin de journée… Ha! OK! Je commence à flirter avec l’idée de passer une soirée tranquille à la maison. Je reprends le téléphone pour annuler mon annulation d’annulation! Sandra, Martin… vous êtes libre ce soir, nous serons là demain! Tellement convaincu, je mets même de l’eau à bouillir et commence à réfléchir à ce que je pourrais bien manger pour souper ou plutôt chez qui je pourrais me faire inviter… Chaudron rempli, juste comme je m’apprête à prendre le téléphone pour finalement m’inviter chez Bobby et Angela, l’appareil se met à sonner de nouveau! Je réponds de nouveau et devinez quoi??? Eh bien oui, c’est encore Nellie et cette fois, je sens l’énervement dans sa voix!! L’avion est allé à Sanikiluak (les îles justes en face) et il est en route pour venir nous chercher. Le temps s’est effectivement dégagé un peu. Cata!!! Maintenant il faut récupérer tout ce beau monde dans le village!!! J’amorce la fermeture de mon ordi, j’éteins le rond de poêle, je rappelle Martin et Sandra pour annuler l’annulation de l’annulation de l’annulation… heu… en tout cas… je les rappelle pour leur dire que si je ne les rappelle pas c’est que nous sommes dans l’avion!

Eh bien oui! On est finalement parti, le jour prévu, avec seulement un peu de retard étrangement… Le voyage s’est bien passé, Martin et Sandra étaient à l’arrivée… Mais mon père n’y était pas … Et moi qui avais laissé son numéro de cellulaire dans mes courriels… Après quelques minutes de doutes (est-ce que dans l’énervement je l’ai appelé pour annuler notre arrivée et ai oublier d’annuler mon annulation?), nous avons commencé à élaborer un plan B, car en plus de sa voiture, mon père amenait la mienne… nous étions donc à court de deux véhicules pour ramener tout ce petit groupe dans notre hôtel du centre-ville situé juste en face de Brutopia une microbrasserie avec terrasse… Bon ça y est, je l’ai dit! Bien qu’économiquement un bon choix, cet hôtel entouré de bar a sûrement autant été une torture pour moi que pour les élèves… peut-être plus pour moi (même si merci, Sandra et Nellie m’ont permis de m’éclipser le second soir pour quelques heures!). Finalement, Serge est arrivé, tout s’est bien terminé. Le trajet en voiture a été de toute beauté… P et A, impressionnés par la vitesse à laquelle nous avons roulé sur l’autoroute (un gros 110 km/heure), heureux de nous voir dépasser d’autres véhicules, ouvrant la fenêtre et sortant la tête, s’extasiant devant les édifices illuminés des rues Sherbrooke et Crescent…

Chronique 2 - Montréal


Un jour et demi avec 11 élèves d’Umiujaq au centre-ville de Montréal c’est quelque chose. J’aurais cru les retrouver un peu craintifs, restant à proximité… je m’étais trompée! La seule chose que j’ai remarquée comme « crainte » fut celle de traverser la rue! Trop drôle de les voir hésiter comme de petits enfants, ne sachant trop comment juger la distance les séparant des voitures! Sinon, métro et autobus, marche dans les rues (sur les trottoirs bien sûr)… ils ont tous été d’une indépendance incroyable, presque tous devrais-je dire, si ce n’est que Isaac qui s’assurait toujours d’un contact visuel lorsque nous n’étions pas à proximité! La raison officielle de notre arrêt à Montréal : visiter des écoles de métiers. La raison officieuse : aller magasiner. Je vous laisse deviner laquelle des deux activités j’ai préférée, je vous laisse deviner laquelle des deux activités les élèves ont préférée… Merci Sophie de nous avoir accompagnés à l’école des métiers de la construction. J’ai grandement apprécié la visite, j’ai grandement apprécié d’observer les élèves pendant la visite. Le meilleur commentaire que j’ai eu est venu de la part de Bi qui après peut-être une vingtaine de minutes dans l’établissement m’a demandé tout bas… « Elle est où l’école ?» Quand il a compris que cette grande salle avec des chauffe-eau, des outils et surtout pas de bureaux était une classe, une petite lueur est apparue au fond de son regard!

Chronique 3 – La France
10 jours en France, précédés d’une journée et demie à Montréal = arrivés trèstrès fatigués à Paris. Est-ce que je vous ai dit que 10 élèves sur 11 sont des fumeurs? Et ben oui! Plus de huit heures sans fumer ça peut rendre quelqu’un impatient, il paraît, mais voilà qu’ils commencent déjà à me surprendre. Pas vraiment de saute d’humeur, si ce n’est que le caractère de NN qui montre un peu des dents entre deux siestes. Donc, un vol de 6 heures sans histoires, mis à part le service ordinaire des agents de bord qui semblent nous prendre pour une bande de sauvages… Ben non, j’exagère et elle était trop facile, mais je n’ai vraiment rien de bon à dire au sujet du service reçu à l’aller. 11 jeunes qui ne comprennent pas toujours bien le français ou l’anglais à qui on ne prend pas la peine d’expliquer ce qu’est un poulet parmigiana ou un bœuf Stroganoff… à qui on n’offre pas le même service qu’aux autres passagers, avec qui on n’a pas la même patience… Les élèves ne semblent pas l’avoir remarqué… Sandra et moi l’avons remarqué…

Jour 1 Arrivée à Paris :
La gêne, la gêne la gêne… et les mauvais caractères qui sortent… la fatigue aussi… et quelle chaleur… 35 degrés!!! Rien pour nous aider, nous pauvres Inuit venus du froid! En débarquant de l’avion, il y a une sorte d’urgence… « Je veux fume! » Avant de sortir… il faut passer la douane, récupérer nos bagages, rencontrer nos correspondants… Et tout ça… ça peut être un peu long! Donc la douane. Stratégie mise en place, Sandra, Nellie et moi nous séparons les élèves. Un peu nerveuse, je me dirige avec mes 5 acolytes pressés de sortir « fume » et un peu grognons, vers le poste de douane. Je suis prête!!! J’ai les passeports de chacun, les autorisations de voyager à l’étranger des parents, la lettre de l’école appuyant le projet d’échange, les preuves d’étudiants…  Avec un sourire nerveux, je m’installe devant l’aquarium humain qui contient le poisson… oups l’employé de la douane… et je lui tends les passeports. Puis là, pas plus bruyant qu’un poisson, il ne me regarde même pas, il attrape son tampon et tamponne chacun de nos petits cahiers! Heu QUOI???? Es-tu un poisson aveugle sourd et muet??? Ça ne te dirait pas de regarder avec un peu plus d’attention ce fameux document précieux qui m’a coûté toute la sueur de mon front???? Puis nous??? Ça ne te tente pas de nous parler un peu??? On est si fier de venir vous visiter!!! On vient de tellement loin! NIET! Nous sommes tombés sur un poisson blasé! Bon… j’imagine que moi aussi je dois être un peu fatiguée… Au moins, nous n’avons eu aucun problème à rentrer au pays! Quand je pense que les Canadiens se font reprocher leur laxisme aux frontières! 

Donc passage facile de la douane Française. Barrière passée, nous nous dirigeons d’un pas rapide vers la « sortie » cigarette oblige. Je suis en tête avec B. Nous longeons le dernier corridor et nous débouchons sur une grande salle… remplie de monde! Aux premières loges, je reconnais déjà quelques élèves avec qui nous avons échangé pendant un an via Skype! Ciel, ils sont nombreux (pas plus de 20 d’accord, mais bon…) à nous attendre! B. les aperçoit presque en même temps que moi et sa première réaction est de rebrousser chemin! Tiens donc… la gêne prend le dessus sur le besoin de nicotine à ce que je vois! N’ayant d’autre choix que de se montrer le bout du nez, B. arrive quelques secondes plus tard, entouré du reste du groupe. De mon côté, lorsque j’ai reconnu les élèves, j’ai délibérément ralenti le pas. Balayant la foule du regard, je me suis mise à chercher Pénélope et Anne… et je les ai trouvés. Confusion de l’arrivée, nos élèves gênés qui veulent aller se cacher derrière une cigarette, ma fatigue s’envole et je prends enfin conscience que nous sommes en France! Les élèves français semblent tellement contents de nous accueillir! Ils ont fait trois heures de bus pour venir nous chercher.
Après les cigarettes, les verres d’eau et les toilettes, tout le monde se retrouve dans le terminal des arrivées. Il y a de la fébrilité dans l’air! Les jeunes s’observent. Les nôtres se regroupent. J’aperçois quelques lueurs de craintes dans les yeux de quelques filles… Ce ne sera pas facile que je me dis. Une photo de groupe et nous sommes déjà en route! Dans l’autobus, une séparation naturelle se fait entre Français et Inuit. Nos élèves sont silencieux… Ça, ce n’est pas normal! Crevés, gênés sans doute un peu sonnés par la chaleur, nous amorçons un rapide tour de Paris qui nous conduit au pied de la Tour Eiffel!!!! WOW! Je peux maintenant dire que je suis allée à Paris! (Petit retour en arrière de quelques heures… lorsque le poisson douanier nous a redonné nos passeports, les élèves me les ont littéralement arrachés des mains et se sont mis à tourner les pages… à la recherche de l’étampe Française. J’imagine que c’est à ce moment qu’eux ils ont compris qu’ils étaient à Paris... Moi ça m’a pris la Tour…)
Le soleil est magnifique pour nos premiers moments à Paris… Peut-être un peu trop magnifique en fait… Bordel qu’il fait chaud! 35 degrés!! Ça, c’est environ 30 de plus que le jour de notre départ d’Umiujaq… Nos correspondants nous ont préparé des sandwichs… au jambon (je ne sais pas si vous vous souvenez de la chronique sandwich au jambon, sandwich aux œufs de la chronique Poncor). C’est fou ce que la mémoire oublie vite… car c’est moi qui ai suggéré des sandwichs jambon fromage dans un moment d’égarement passager j’imagine! J’observe donc la distribution des victuailles avec une certaine appréhension… Aucune réaction… Ouf! Ils mangent!
Puis la journée se poursuit tranquillement. Les garçons brisent la glace plus facilement que les filles. B est sans doute l’élément clé de cette évolution rapide chez les garçons. Il parle beaucoup, fait le clown et est pas mal show off! Les filles passent le reste de la journée à s’observer de loin…
Après Paris et la Tour Eiffel, c’est le voyage de 3 heures en bus jusqu’à Longueville où le maire nous attend pour un mot de bienvenue! Accueil très formel, j’aurais aimé pouvoir entrer dans la tête des élèves pour connaître leurs premières impressions. J’ai bien tenté d’écouter les discours de nos hôtes (je m’excuse Pénélope et Anne), mais dans ma tête à moi, tout défilait à un rythme fou… Je ne pouvais détacher mes yeux de Bi., B., M., Q., S…. Un peu comme dans une image insolite… Nous, installé au milieu de tout ce décorum. Fatigués, crevés, peut-être un peu puants (après plus de 36 heures depuis la dernière douche et le dernier changement de vêtements…). Sandra souriante et fière. Moi presque au bord des larmes… C’est à ce moment que s’est installé pour moi cette espèce d’impression de me retrouver sur le dessus d’une vague, installée sur une planche de surf avec la pleine conscience de la fragilité du moment, mais me sentant en même temps tellement bien de filer sur l’eau, ayant l’impression que je ne tomberais jamais… Profite du moment… voilà ce que je me suis dit. Voilà ce que j’ai fait pour les 10 jours qu’a duré notre séjour…
Après les discours, la bouffe! Pendant la bouffe, le P .R. .  Après la bouffe, les élèves… nos élèves commencent à partir dans les familles pour aller s’installer avant le souper à la ferme… Tout d’un coup, ils ne sont plus là… Et ça me fait tout drôle… Les familles ont l’air fantastiques, je sais que Pénélope et Anne ont confiance en chacune d’elle… mais ça me fait tout de même tout drôle… J’imagine que ça doit être la même chose pour eux…
Sandra et moi allons nous installer chez Anne pendant que Nellie fait de même chez Pénélope. Puis, on se retrouve à la ferme. Chacune des familles a préparé un petit quelque chose, il y a du pain frais et du fromage. Les liens commencent déjà à se tisser chez les garçons. Quelqu’un me glisse subtilement un verre de cidre dans la main… Il y a beaucoup de monde partout, venu pour nous… Les gens sont curieux, parfois maladroits, mais nous posent des questions. Ils sont intéressés par la vie de ces jeunes qui vivent à des milliers de km de chez eux… Ils ont fait des recherches, ils se sont intéressés à eux, aux Inuit, au Nunavut et Nunavik (qu’ils mélangent sans même savoir que se sont deux territoires différents). Je les sens aussi touchés que moi par l’expérience que nous offrons à ces jeunes, à ces familles qui les accueillent… Nous parlons de la vie ici, des différences, des ressemblances… mais nous ne parlons pas du surf que nous sommes en train de faire… ensemble…

Jour 2 à 7 Un programme grandiose!
Et puis tout s’est enchaîné, à rythme fou. Les journées se sont succédé rapidement. Zoo, Dieppe, Rouen, Tour Eiffel de nouveau, École, château, équitation, ballade sur la Seine, musée Rodin, plage… Nous avons eu droit à un traitement VIP. Les familles ont littéralement adopté nos élèves. La chimie s’est installée peu à peu chez les filles. La complicité s’est solidifiée chaque jour chez les garçons.

Épisodes en vrac…
2e journée en France. Les élèves sont dans leur famille respective. Quelques-unes d’entre elles se retrouvent en après-midi pour une partie de bowling. Qui dit bowling dit souliers amusants de bowling, mais dit aussi, bar à alcool… Eh bien oui… Pourquoi ne pas acheter de l’alcool que se disent certains (je ne sais pas lesquels et je ne veux pas le savoir même si je peux avoir de fortes suspicions…) et du barman de rétorquer, pourquoi pas voilà ce que vous demandez!!!! Me semble que ça paraît qu’ils ne sont pas majeurs nos petits copains… En tout cas! Disons que ce sont vraiment des adolescents, mis en présence d’une facilité à laquelle ils ne sont pas habitués, à un coût dérisoire qui plus est (à Umiujaq, une cannette de bière de 500ml peut valoir 20$). Ils ont commandé de l’alcool, la plupart en ont bu et les parents s’en sont rendu compte et ont confisqué le tout… Lorsque j’ai appris cet épisode, j’ai été déçue sur le coup… Nous avions été claires à ce sujet Sandra, Nellie et moi. Je me suis sentie « trahie ». Puis je me suis rappelé ma propre adolescence… et j’ai réalisé que ça n’avait rien à voir avec moi…



3e journée en France. Les premières larmes surgissent. J demande d’aller passer la soirée et la nuit dans la famille de S. Je n’ai d’autre choix que de refuser. Si les filles le désirent, elles peuvent planifier avec leurs correspondantes une nuit chez l’une ou l’autre, mais le tout doit se faire avec l’accord des parents et les 4 filles doivent participer. J le prend mal et se met à pleurer. Le refus demeure et je la regarde partir avec le cœur gros… J est une des élèves qui était la plus enthousiaste l’an dernier. Je sais qu’elle est capable de s’adapter.
3e journée… La mère d’accueil de NN est inquiète… NN ne parle pas, est rude avec eux et ne mange pas… Nous rassurons la maman, lui affirmons que lorsqu’elle aura fin, NN mangera bien. Nous nous excusons pour les comportements de notre charmante élève et lui rappelons que c’est la première fois que NN sort du Nunavik. Bien que nous soyons arrivés en France seulement 3 jours avant, de notre côté, ça fait presque une semaine que nous avons quitté le village…





4e journée… Les larmes continuent… mais cette fois c’est une élève de la France qui vient me voir… Elle commence par me parler de Facebook… Q. qui habite avec elle écrit qu’elle veut rentrer chez elle… L’élève croit que c’est de sa faute… et elle craque… Re-excuse, re-explication de l’effet d’éloignement… Je tente de rassurer P.  Pendant que je lui demande de ne pas le prendre personnel, Q arrive près de nous et regarde la situation d’un air perplexe. De voir toute la peine chez P me donne les larmes aux yeux (n’allez pas croire que je me suis laissée aller à pleurer surtout!). Q est troublée et je comprends qu’elle comprend que ce qu’elle écrit sur Facebook a un effet sur sa correspondante… Elle s’excuse… NN lui dit de faire un câlin à P, mais c’est trop pour Q. Elle retourne s’asseoir sur le banc (nous sommes au gymnase) et se met à pleurer à son tour… Ouf… Pas facile! Mais à partir de ce moment, les choses se sont tranquillement placées entre les filles. Je pourrais même dire qu’une complicité a pris naissance ce jour-là!

5e journée. Retour à Paris! Cette fois, nous montons dans la Tour! Je fais un bout avec P. Il est sympathique ce garçon et surtout, il est radieux! Il a déjà une forte tendance à sourire, mais là il est encore plus beau parce qu’il a l’air détendu à la fois. Vous savez, un genre de sourire béat… Il ne parle pas beaucoup, mais lorsque nous croisons une pancarte, il se fait un plaisir de me la lire. Peut-être banal pour la plupart des gens que de lire des affiches dans la Tour Eiffel, mais pour moi, ce moment avec P restera un des moments forts de notre séjour. À l’école, P refuse de lire à voix haute. À Paris, P me lit les différentes notices que nous croisons… et je peux voir une étincelle passer dans son regard lorsqu’il comprend qu’il comprend ce qu’il lit!!! Depuis 4 jours et demi que nous sommes arrivés et je vois déjà une grosse différence chez les élèves au niveau de leur français. D’abord je les entends davantage parler, puis je les vois faire des efforts pour apprendre les bons mots. « Vikie, comment on dit ceci? »
Toujours à Paris, I passe toute la croisière sur la Seine assis entre Nellie et moi! Il parle un peu en Inutitut avec Nellie, un peu avec moi en français. Isaac ne parle pas beaucoup habituellement. Après un échange avec Nellie, il me regarde tout souriant. Oui? Que je lui dis… Lui de me répondre par une question « Je peux aller en Chine avec mon passeport? » Une idée de voyage exprimée en français!!!! Mission accomplie Sandra!
Toujours à Paris… nouvel épisode alcool… Bi agit bizarrement aujourd’hui… Il tient précieusement son sac, ne laisse personne y toucher et devient très nerveux lorsque nous passons la sécurité pour entrer à l’ambassade Canadienne (où nous rencontrons une Parisienne qui parle Inutitut!!!)… Je le soupçonne fortement d’avoir quelques bouteilles en sa possession… mais je ne veux pas le pointer du doigt. J’essaye de ne pas être déçue, de ne pas le prendre personnel… Je décide de prendre les 11 élèves, je leur fais part de mes soupçons et je leur dis que je souhaite voir disparaître l’alcool… Le soir, nous faisons part de mes soupçons aux parents d’accueils de Bi. Discrètement, ces derniers fouillent dans les bagages et trouvent effectivement quelques bouteilles qu’ils font disparaître. Le papa en profite ce soir-là pour avoir une discussion avec notre cher Bi qui revient de meilleure humeur le lendemain.


6e journée… Il n’y en aura pas de facile…
La veille au soir, un peu après 23h00, j’ouvre mes courriels et aperçois un message d’Ann-Nathalie, une collègue d’Umiujaq. Il y a une mauvaise nouvelle… Une des cousines de NN, B et Q s’est enlevé la vie. Elle vient du village qui est au Sud. La mère de NN est sur le mode panique et veut que nous allions réveiller sa fille avec cette nouvelle…  et elle veut que nous retournions sa fille au village. Nellie arrive à lui faire comprendre que nous annoncerons la triste nouvelle le lendemain matin.  Le processus stress s’enclenche de notre côté… Comment les élèves réagiront-ils suite à ce nouveau suicide. B a déjà perdu un cousin en juin dernier. Et les correspondants… Comment prendront-ils cette nouvelle? Seront-ils en mesure de soutenir leurs correspondants? Et les familles? Devons-nous mettre en place la cellule d’urgence?
Beaucoup de questions, beaucoup de stress… et finalement une très bonne réaction de la part de tous. Bien sûr, il y a eu un choc. Bien sûr il y a eu des larmes. Mais il y a surtout eu le silence. Ce matin-là, les jeunes m’ont appris quelque chose. Ils m’ont appris que parfois, encaisser en silence est un signe de force.
Citation du jour : Bi dit à Sandra « C’est fou, tout le monde m’aime ici! »


7e journée… ça sent la fin… Après 7 jours en France, j’ai pu développer une belle complicité avec les élèves. NN est de plus en plus douce, de moins en moins farouche. Les élèves communiquent plus avec moi. Je les sens plus près qu’avant, mais avec une indépendance qui fait plaisir à voir. Je ne sais pas, peut-être qu’une sorte de confiance s’est installée. Autant de mon côté que du leur… Ils sont incroyables ces jeunes que j’ai décidé d’aimer il y a un an. Je me dis que nous avons bien fait Sandra et moi de tenir le coup! Il nous est bien arrivé quelques fois l’an dernier d’avoir envie de tout laisser tomber… Heureusement nous ne l’avons pas fait. 
Donc, 7e journée et dernière pour nous les accompagnatrices avec les élèves. Le weekend se passera en famille. Nos hôtes ont donc prévu une fête de départ pour la soirée. Plus de 100 personnes seront présentes pour venir nous dire au revoir. Et là, je sais que je n’y arriverai pas à vous transmettre l’émotion qui nous a envahis ce soir-là…
Un programme bien chargé une fois de plus. Des gens importants se présentent au micro avec des discours préparés. Cette soirée est une occasion de nous dire au revoir, mais aussi une occasion pour Pénélope, Anne et les jeunes de faire rayonner le projet afin d’aller chercher de nouvelles subventions. L’aventure ne doit surtout pas se terminer avec notre départ… Après les discours formels, c’est notre tour d’avoir la parole… heu… c’est au tour de Sandra et Nellie d’avoir la parole… Et elles font ça comme des pros! Rien de préparé, tout d’improvisé… C’est bien nous et c’est bien touchant finalement. Ne sachant trop quoi dire après les remerciements d’usage, Sandra et moi invitons nos élèves Inuits à l’avant. J’ai amené avec moi 11 petits inukshuks faits par un sculpteur du village. J’en remets un à chaque élève qui à son tour appelle sa mère ou son père d’accueil à l’avant. Embarrassés, plusieurs élèves réalisent qu’ils ne connaissent pas le prénom de leur parent Français… M suggère simplement d’appeler « ananaksia ou atataksis »… maman ou papa…  
C’est à ce moment que j’ai compris toute la grandeur de la semaine qui venait de s’écouler… Nos élèves devant cette « foule » rassemblée pour eux. Nos élèves reconnus pour la richesse de leur différence. Nos élèves acceptés, appréciés, intégrés et aimés pour ce qu’ils sont. Nos élèves ayant développé un lien significatif avec ces familles. Nos élèves s’étant adaptés à toutes ces différences (ne dit-on pas que l’adaptation est un signe d’intelligence?). Nos élèves fiers de leurs différences. Des familles tellement reconnaissantes envers ces jeunes qu’elles ont accueillis. Des familles touchées par ces jeunes, par nos jeunes. Nous avons ouvert une fenêtre de chaque côté de l’Atlantique. Et de mon côté, ils m’ont tous touché… familles, élèves Français, élèves Inuits, Sandra, Nellie, Pénélope, Anne, Ludo, Lulu… Vous vous rappelez le regard… Ce soir-là, j’ai regardé la vie autour de moi en me donnant une nouvelle liberté, celle-là même de croire que tout peut toujours arriver! Il y a un an et demi, je n’aurais jamais pu m’imaginer à Paris avec 11 élèves Inuits… Je me sens bien aujourd’hui de cette nouvelle liberté que je me suis octroyée. J’espère que les élèves en ont accroché une partie au passage.
Remplis d’émotions, nous avons tamisé les lumières et avons terminé notre discours « officiel » en lançant un diaporama présentant notre village et notre semaine en France. La musique d’artistes Inuits a rempli l’atmosphère et les images ont rempli nos yeux. Le silence s’est installé chez les convives, jusqu’à l’exclamation de nos élèves… Parmi les photos d’Umiujaq, j’ai négligé d’enlever une image sur laquelle D apparaît (le jeune garçon qui s’est enlevé la vie en juin dernier, cousin de B, ami de plusieurs des élèves présents). Le diaporama continue et peu à peu, les élèves quittent la salle. Je suis en train de programmer le diaporama en boucle lorsqu’un élève Français vient me chercher en me disant que N ne va vraiment pas bien et qu’il pleure… Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais lorsque je vois N je réalise que c’est la photo de D qui l’a mis dans cet état. Il pleure et il crie. Il marche dans le stationnement. A se tient près de lui. Je vois ses épaules qui montent et qui descendent. Il pleure aussi. Un élève Français s’approche de N et le prend dans ses bras. Je m’approche d’A et je fais de même. Il fallait que ça sorte je pense. Je lève la tête à la recherche de Nellie et j’aperçois plusieurs de nos élèves en train de pleurer dans le stationnement. Nellie arrive, prend la relève et là je me dis qu’il est parfois mauvais d’encaisser sans rien dire…
Un peu déboussolée, je me dirige vers l’intérieur, j’arrête le diaporama, j’enlève la photo sur laquelle D apparaît. Je retourne dehors, la situation se calme tranquillement. À l’intérieur, la réception continue. Après un certain temps, S et J viennent me demander si elles pourront faire du chant de gorge… La soirée reprend son cours, la mère de N va le chercher dehors et le ramène à l’intérieur en lui disant qu’il doit se changer les idées… Finalement, tous les élèves passent à travers cet épisode et reviennent s’installer à l’intérieur.
Mon passage en Normandie se termine avec une fin de semaine de congé! Bergère, mon amie Française que j’ai connue à Rimouski est arrivée la veille et passe les deux jours avec nous! Marche sous la pluie, souper à Rouen, bière sur une terrasse… Les vacances quoi!

Puis le jour du départ arrive…. La nuit du départ, je devrais dire… 3h45 devant l’école de Longueville… Les familles et les élèves sont là, tristounets. Accolades et câlins. Les parents sont très émotifs. Ils ont pris leur rôle très au sérieux.

J’arrêterai ici pour aujourd’hui. Le retour vers Umiujaq fera partie de ma prochaine chronique du Nord… qui est déjà en construction ne vous inquiétez pas. Mes moments d’écriture ont été difficiles à trouver ces derniers temps… Vous savez, le décalage horaire, les repas de fête, les amis de passage au village… et surtout… surtout… ces deux cours par correspondance de certificat auxquels j’ai eu la bizarre idée de m’inscrire… Mais ça y est, j’ai rattrapé mon retard, je me suis remise de mon décalage horaire et j’ai enfin vieilli d’un an! Tout ça est maintenant derrière moi et je trouverai du temps pour écrire!