samedi 27 octobre 2012

Entre le noir et le blanc il y a toute une palette de gris...



 Samedi matin, 9h36… C’est samedi et je suis debout depuis plus de 3 heures!!!! Coudonc, voyons? Mais qu’est-ce qui me prend donc?? Est-ce que c’est mon envie de boire du café qui m’a réveillée? Est-ce mon envie de terminer ma BD? Imaginez donc, je me suis levée avant le soleil… quoi que de moins en moins difficile je l’avouerai. L’automne fait bien son travail d’automne ici: journées qui raccourcissent rapidement et pluie et/ou neige sur une base presque quotidienne! Mauricio, tu devrais définitivement te prendre un travail de fin de semaine à Umi question d’y amener le soleil injuste qui se pointe chaque fois que tu es au boulot!

Alors… parlons nord! Hahaha!

Quel étrange début d’année je vous dirai! 27 octobre… déjà… et… seulement? J’ai l’impression paradoxale que je suis ici depuis bien plus que deux mois, mais en même temps, j’ai l’impression que le début d’année est lent… trop lent… Je veux bien croire que le secret du bonheur c’est la lenteur… mais là, ça s’étire un peu je trouve!

Moi et mon foutu cycle de trois ans! Est-ce que je suis déjà rendue à ce point? Celui de besoin viscéral de changement? Je pensais que le nord serait différent… Bon, je pense qu’il est temps que je sorte ma lampe solaire, car je risque de tomber dans la grisaille là!


Voilà! 30 minutes d’éblouissement devant ma lampe à 200$! Ciel que je me sens mieux (silence tout le monde… je ne veux pas savoir si les effets bénéfiques de la lampe solaire sont prouvés… dans mon petit univers ça marche à 400% et il s’agit d’un 200$ bien investi – taïma (terminé en Inuktitut))

Alors que s’est-il passé depuis le début de l’année? Bonheur, frustrations,  expéditions, mots  et maux d’enfants…

HONDA (VTT pour ceux qui ne le savent pas) est synonyme de bonheur à Umi pour moi! Aucune histoire rocambolesque à raconter cependant… Mais je crois que c’est peut-être mieux ainsi, car même si j’aime bien vivre dangereusement, je garderai mes cascades pour mes randos à vélo et à pieds (Je m’assagis sérieusement n’est-ce pas!).

Image bucolique… image photographique que je souhaitais faire depuis tellement longtemps… Tente sous les aurores boréales… Heureusement que nous avons profité des derniers weekends du mois d’août pour sortir un peu!
L’insoutenable légèreté de mon Être : lune bleue d’un côté, coucher de soleil de l’autre, feu, amis et finalement, aurores boréales sur nos têtes. Quelqu’un aurait dû me filmer… Vikie, une lampe de poche, un trépied, une tente et une télécommande… Ça n’en prend pas plus pour m’amuser et me tenir occupée, seule de mon côté pour un bon moment (bon François, je l’admets… éplucher les tomates peut aussi me tenir occupée seule de mon côté)!


Expéditions Grand Nord!

Le lac Rond, le lac à Billy Tooktoo, les Deux lacs, la crevasse, le Goulet, excursion autour des îles… Parfois je me dis que ce sera étrange de revenir au Sud sans ces grands espaces à portée de pieds, de roues, de ski, de raquettes ou de bateau…  Mais comme je l’ai déjà dit, tout dépend probablement de la manière dont on regarde les choses autour de soi.
La crevasse avec
la famille Caron Larochelle

Le fameux Lac Rond!


Et la communauté?

Le village est une fois de plus en construction-reconstruction. 14 nouvelles maisons seront disponibles bientôt. Plusieurs autres maisons sont en reconstruction. Comme il y a deux ans, certaines familles vivent dans des tentes, d’autres dans des shacks (cabanes construites avec des extra de construction) et quelques-unes sont hébergées dans d’autres maisons…
John le pêcheur
Seule dans mon grand 4 et demi… je me sens un peu mal lorsque je vois la grêle tomber et mon collègue John passer devant chez moi. John vit avec une Inuk. Leur maison est en reconstruction. Depuis déjà quelque mois, ils vivent, ou plutôt ils vivaient dans une tente juste au bout de ma rue. Depuis hier, ils ont été transférés à l’hôtel… La femme de John a été évacuée par avion avant-hier… Intoxication due au système de chauffage d’appoint dans la tente… Le combustible était fourni par le « housing »…  Le « housing » a relocalisé le couple à l’hôtel… John m’a dit que sa femme va bien… qu’elle a seulement besoin d’être branchée sur un respirateur… 

****Construtcion-Reconstruction = beaucoup de travailleurs de la construction…
Beaucoup de travailleur de la construction = beaucoup de jeunes garçons au village…
Jeunes, innocents (dans le sens trop souvent d’innocents) et pleins d’argent, car ne nous le cachons pas, la construction dans le nord c’est payant. ***

Umiujaq est un village sec. C’est-à-dire que l’alcool y est « interdit ». En tant qu’enseignante, je dois normalement avoir l’autorisation de la police pour commander bière, vin et spiritueux. Les Inuit du village quant à eux, ont accès à 4 permis (pour toute la communauté) d’alcool (pour une quantité limité) par semaine. Afin de pouvoir « gagner un de ces permis », l’Inuk qui en fait la demande doit montrer un dossier judiciaire sans restriction face à l’alcool. De plus, il n’y a pas plus d’un permis attribué par maison (ou tente ou shack…).
Umiujaq est un village sec… mais pas un village hermétique. L’alcool est « interdit » au village, mais pas inexistant… Mis à part les 4 permis émis par semaine, il y a quelques bootleggers (vendeurs d’alcool illégaux). Une bière 500ml peut valoir 25$. Un 12oz d’alcool fort : 100$.
(Mais qu’est-ce que ça fait si les gens boivent de l’alcool dans le village me direz-vous? Pourquoi je me mêle de la consommation d’alcool de mes voisins?
Parce que moi, je les vois, les enfants et les adolescents qui subissent la consommation de leurs parents et ça me met en colère… Si tes parents mettent 100$ sur une bouteille de vodka… c’est 100$ de moins pour de la nourriture (pour toi et tes multiples frères et sœurs…) ou c’est un manteau d’hiver de moins ou c’est une paire de bottes qui se fait attendre ou c’est une taloche qui arrive plus rapidement… Et les bouteilles de vodka, c’est aussi plus d’enfants dans les rues le soir, c’est aussi des ados dehors toute la nuit dans le parc derrière chez moi, c’est aussi des modèles déficients pour les jeunes, c’est aussi des femmes qui boivent pendant la grossesse…
(Image un peu triste. Il y a quelque semaine, je suis allée faire une balade de honda avec mon amie la police. En rentrant dans le village, je suis passée à côté de la coop. 3 petites filles de 1re et 2e années sont arrivées en courant au milieu de la rue et m’ont barré le chemin. J’arrête pour les saluer (pas le choix) et j’entends alors des cris venant de la coop. Les petites me regardent et se mettent à pleurer et à me dire qu’elles ont peur… Habituellement, je refuse d’embarquer les enfants (sauf ceux de mes voisins préférés lorsque nous partons en expédition) sur mon honda… mais là… j’ai embarqué les trois fillettes et je les ai reconduites jusqu’au bas de la rue en leur conseillant de rentrer à la maison si elles avaient peur… La personne qui criait à la coop était juste complètement saoule…
C’est seulement après être rentrée chez moi que j’ai réalisé qu’il s’agissait peut-être bien du père de l’une des petites… Rentre chez toi si tu as peur que je lui aie dit… ))

Umiujaq est un village sec. 500ml de bière peut coûter 25$ - 12oz de fort  peut coûter 100$.

***J’ai entendu dire qu’une bande d’innocents de travailleurs de la construction vendait de l’alcool aux habitants du village… ***

#$%@&!*(

Ça me rappelle cet événement dans l’actualité il y a quelques années où des gens d’un quartier de Montréal refusaient qu’une maison d’hébergement pour les Inuit, les Autochtones et les gens des Premières Nations s’installent dans leur « cours ». Raison : Les Inuit, les Autochtones et les gens des Premières Nations apportent le chaos, la drogue et l’alcool…

Je me demande s’il ne serait pas possible l’espace d’un instant, de voir certaines situations sous un angle différent… Rien n’est tout noir, rien n’est tout blanc… La vie devrait être perçue comme une vaste palette de gris… Qui est la raison de quoi? Quoi est la raison de qui? Ne pourrait-on pas simplement dire que nous sommes tous responsables les uns des autres. Responsable dans le sens que nos interactions, nos choix, nos manières d’être avec les autres influencent ceux-ci? Nous avons un impact et une responsabilité face à notre environnement, face aux gens qui nous entourent. L’idée n’étant pas de développer une hypersensibilité ou une paranoïa, mais plutôt de se conscientiser. Ici plus que jamais, je sens, je vois, je sais que mes choix ont un impact sur les gens.  Les mots que je choisis, les gestes que je pose…

Fin de frustration… Taïma!

Puis surtout parce qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier (Inuit, travailleurs de la construction, enfants, adolescents, parents) quelques images en vrac.

Citation : "Tes vêtements et tes cheveux sont très beaux. "  Ça c’est A. qui à sa manière me souhaite un bon retour à Umiujaq.

Image burlesque… et très embarrassante.  Quand on travaille dans une école, nous avons toutes sortes de responsabilités en dehors de nos périodes d’enseignement. L’une d’entre elles est de faire l’accueil des élèves le matin et le midi. Moi j’appelle ça faire la porte! J’aime bien faire la porte et accueillir les élèves du primaire, mais j’arrive souvent presque en retard pour cette tâche… Alors, je cours régulièrement dans le corridor (même si tout le monde sait qu’il est interdit de courir dans une école, surtout qu’avec mes talents de cascadeuses je risque un jour de me retrouver sur la CSST…) et j’arrive un peu excité à ladite porte. Comme je suis en retard, j’ouvre souvent la porte en coup de vent… et le vent s’engouffre souvent rapidement dans la cage d’escalier… Un de mes apprentissages de cette année : ne jamais plus porter de robe lorsque je fais la porte!!!!!!!! Vikie en petite robe de ballerine, avec des collants roses et des bas aux genoux poussant la porte et recevant un coup de vent en plein sous la robe… L’image de Maryline Monroe sur la bouche de métro vous dit quelque chose?
À Umiujaq, l’image de l’enseignante Vikie, ouvrant la porte de l’école jupette au vent restera pour longtemps gravée dans la mémoire de plusieurs enfants!!!! HHHHHHHHAAAAAAAAA!!!!!!!!!! (Vikie) HAHAHAHAHAHAHAHA! (les enfants… et Vikie aussi pas le choix!) Qalik Qalak! On a vu les sous-vêtements de Vikie!!!!  


Moment parfait, mais parfaitement éphémère… Carpe Diem.
P., I. et la musique country!
Cette année encore « j’enseigne » la photographie aux élèves de IPL (Individual Path of Learning). Mon horaire est bien fait, nous avons deux périodes collées, juste avant la fin de la journée. Un de mes buts de cette année, sortir les jeunes du village et aller explorer la toundra… ou la Baie! À date nous avons fait deux sorties.

Par un mercredi après –midi, sortie près de Umiujaluk. Emprunt du pick-up de l’école. Tous les élèves sont là!!! 7 au total! 5 embarquent dans la boîte, 2 embarquent avec moi. I. et P. ne sont pas très bavards, j’allume donc le radio. Pour ceux qui connaissent la radio éclectique de Québec, la radio à Umiujaq est tout aussi surprenante. 20 minutes de silence rempli par de la musque country et par nos rires, suivi de 30 minutes de grimpe dans le lichen et les arbustes accompagnés par le rire et les encouragements des élèves à mon égard et terminés par un retour de 20 minutes à parler avec I. et P.
Ah oui c’est vrai… Et la photographie dans tout ça? 3 élèves ont pris des photos, j’ai pris des photos des élèves, 1 élève a servi de modèle aux autres et 7 élèves ont terminé leur journée d’école avec le sourire.

Le cirque est en ville



Bien sûr, il y a eu d’autres images en vrac que je garderai en mémoire comme le passage de Cirqiniq, les trois semaines de cohabitation avec Gen, ma première confection de tourtière (vraie tourtière du Lac selon Nicolas), le passage coloré de notre directeur remplaçant André, ma semaine à Inukjuak et toutes les rencontres que j’y ai faites, mes nombreuses chasses aux aurores…

Mais parce que mes travaux scolaires m’attendent et aussi parce qu’il me semble que je vous avais promis de faire des chroniques plus courtes, je vais vous laisser sur ces deux images de mon petit bonheur nordique.

8 semaines avant les vacances de Noël… Je ne commencerai pas à compter tout de suite… mais je ne vous cacherai pas que j’ai quand même hâte d’aller boire quelques bières au Cheval Blanc… et bien sûre de vous voir!


Vikie