vendredi 9 décembre 2011

Histoires de rien!



Mon prochain blogue avec une classe de 5-6 et des élèves de Montréal


Vendredi 11 novembre 2011
11-11-11…
À 11h00 il y  aura 1 minute de silence sur la plage d’Umiujaq pour se souvenir.
1… l’unité, l’individu… 11… l’unité, l’individu…mais à 2? 11-11-11… Vivre individuellement, mais en groupe? Et pourquoi ne pas essayer 11 minutes de silence? Autre question : si on se parle dans sa tête… est-ce que ça compte quand même comme du silence?
Ben non voyons! Je ne suis ni sous l’effet de la drogue, ni sous l’effet de l’alcool! Peut-être sous l’effet euphorique du congé ou du premier mini blizzard d’hier.
Mais pour revenir au silence… quand j’écris…? Certains penseront peut-être que je ne réfléchis pas, mais je vous assure que c’est le cas! Et se rend-on toujours compte de nos réflexions? Je veux dire, est-ce que nous utilisons toujours des mots pour organiser nos pensés? Et puisque nous en sommes aux questions… Est-ce que quelqu’un peut me dire en quelle langue elles pensent les personnes sourdes? Et les personnes aveugles tant qui y être, elles voient quoi dans leurs rêves (à ce sujet, j’ai rêvé qu’une araignée me chatouillait le fond de la gorge… lorsque j’ouvrais la bouche pour la laisser sortir, elle tissait une magnifique toile pour se laisser glisser dehors… elle était belle, avec des couleurs éclatantes, de superbes pattes poilues… peut-être que c’est le sevrage de bière qui fait ça!!!)?
Mais pour revenir au silence… que dire de la loi du silence? Je crois que dans le nord, cette loi existe implicitement… Le silence de l’individu pour préserver l’unité de la communauté… Et c’est ici que ça devient trop sérieux pour mon vendredidimanche matin. Mais j’y reviendrai un jour à ce silence obligé de ma communauté d’accueil. J’y reviendrai quand je le comprendrai assez pour ne pas le juger avec mes yeux d’qalunat.

(Parlant de jugement et d’qalunat… Comment je dirais bien ça… Là, je ne sais pas si j’emploierai le mot juste… mais je crois bien avoir quelques fois été la cible de racisme depuis mon retour au nord. Quand dans une rencontre de travail en petit comité, une personne dit : « You qalunat you think…»… ça me fait un peu drôle. Ben pas vraiment drôle en fait, parce que ça me donne l’impression de me faire catégoriser dans un groupe auquel on attache des comportements et des pensées qui ne sont pas les miennes… Ben pas vraiment drôle en fait, car ça m’enlève une partie de ma propre personnalité pour la substituer par une autre qui n’est pas la mienne. Ben pas vraiment drôle, parce qu’un peu blessant et voir même un peu choquant de se faire attribuer de mauvaises intentions par une collègue de travail… parce que ce qui a suivi ce fameux « You allunat you think… » n’avait rien de très positif intégrant des mots comme dominants et dominés…
Racisme ou stéréotype… Jugement… Je ne saurais trop dire, mais reste que je me suis beaucoup questionnée (et je me questionne encore) sur mes comportements d’qalunat après ce que j’ai malheureusement perçu comme des accusations. Je sais bien que je suis naïve et que ces discours courent probablement depuis bien avant mon arrivée… Mais cette année, ils m’ont finalement rattrapée! Une source de questionnement de plus moi!)

En face de chez moi le matin


Donc… Un vendredi comme un dimanche pour moi. J’adore les congés du vendredi.
Je vous laisse deviner… Trop facile… Installée dans mon fauteuil bleu préféré, une BD pas loin, le kfé d’une main et le clavier de l’autre. La bande sonore du film Out of Africa sonne de cette rare perfection à mes oreilles. Je n’imagine rien de mieux que cette musique instrumentale pour côtoyer mes pensées à ce moment présent.

Puis là, parce qu’on peut faire des bons dans le temps sous le simple clic d’un « enter » de clavier d’ordinateur… on se retrouve peut-être trois semaines après les dernières lignes que vous venez de lire.


Vendredi le 9 décembre, 8h39. Normalement, je commence l’école à 8h50, mais aujourd’hui c’est un peu différent. Je vous raconte ma routine habituelle du matin. En général, je me réveille entre 6h30 et 6h40 (sans alarme, juste pour rien et là je n’ai pas voulu écrire entre 6h36 et 6h38 car vous m’auriez dit que j’exagère, mais en réalité c’est vraiment vrai je me réveille presque toujours entre 6h36 et 6h38 (les trois minutes confondues là)…) Ce matin, étrangement, je me suis réveillée un peu plus tard… 6h47… Tiqilik teo4 (est-ce que je vous ai dit que je suis des cours d’inuktitut depuis quelques semaines? Eh oui… en plus de mes devoirs d’anglais, j’ai toute une liste de devoirs d’inuktitut à faire chaque jour!!! Et en puis, je dois pratiquer quotidiennement, car je croise ma prof tous les jours et elle me parle la plupart du temps en Inuktitut ce qui fait de beaux dialogues de sourds, car je ne suis pas très douée pour apprendre les langues et même un peu pas mal lente, mais bon c’est tout de même plaisant d’impressionner mes élèves de géographie en écrivant en inuktitut au tableau pour commencer mes cours!). Donc, pour en revenir à mes moutons (car vous le comprendrez bientôt, le thème aujourd’hui est le blanc (comme la laine des moutons blancs pour ceux qui n’auraient pas fait le lien)),  aujourd’hui, journée pas comme les autres, je me suis réveillée un peu en retard et j’ai tout de suite su qu’il y aurait quelque chose de différent. J’ai décidé de rester au lit pour commencer mon nouveau roman. Les romans je les lis dans mon lit et les BD dans mon fauteuil préféré, voilà pour les détails inutiles. 7h36, je regarde l’heure et je me dis qu’il est temps de passer aux choses sérieuses, entendre ici le café et la douche. Pour ceux qui n’aiment pas les détails inutiles, je vous suggère de sauter les prochaines lignes, car là, vous connaîtrez bientôt tout de moi (enfin presque tout). Donc, lorsque je m’extirpe de mon lit ça se déroule comme suit : j’attrape mon IPOD touch (ben oui j’en ai acheté un nouveau après m’être fait voler l’an dernier, mais rassurez-vous celui-là je ne l’amène pas à l’école), je mets l’alarme à off (alarme que je n’ai pas entendue sonner depuis des semaines, car elle est fixée à 8h02), je passe dans le couloir de la cuisine où, à tâtons dans le noir, j’appuie sur le bouton ON de la cafetière (merci encore Isabelle pour cette machine espresso) et je continue ma route jusqu’à la station d’écoute sur laquelle je branche mon IPOD. La musique se met en route instantanément pendant que j’ouvre les stores laids verticaux de mon salon. Je me dirige ensuite jusqu’à la salle de bain. Douche toujours rapide parce que depuis que je suis dans le nord, j’essaye d’économiser au maximum, car on ne sait jamais quand le camion d’eau va briser… puis retour à la cuisine pour faire couler mon premier café de la journée. Pendant que la tasse se remplit, je jette systématiquement un coup d’œil à mon chaudron d’eau (car je la fais bouillir depuis mon retour de l’Inde… mon système n’ayant pu se réadapter à notre bonne eau propre du Nunavik, mais là je vous épargnerai les détails, parce que franchement pas ragoutants et encore moins intéressants) et je m’en fais bouillir un peu s’il le faut, car… on ne sait jamais quand le camion d’eau va briser. Quand le café est prêt, je m’installe finalement à ma table de cuisine et j’utilise généralement cette petite heure tranquille du matin afin de faire un peu de devoirs d’anglais ou d’inuktitut.
Mais ce matin… comme la routine ne s’est pas enclenchée comme à son habitude, je suis restée au lit une petite heure en me disant au diable renards nordiques, loup et ours polaires! Tant pis les devoirs, je commence ce nouveau roman sans le moindre cas de conscience!
En face de chez moi le matin quand
il y a une éclaircie dans le blizzard
7h36, je me lève, me dirige vers la cafetière. Malgré l’heure tardive, la lueur de la clarté ne transperce toujours pas à travers mes stores laids verticaux. C’est donc à tâtons que je tourne la machine à ON. Zut! J’ai oublié mon IPOD dans ma chambre! Je continue cependant ma route vers la grande fenêtre et pensant à toutes ces secondes musicales que je suis en train de perdre, j’ouvre les stores sans vraiment regarder à l’extérieur. Même si je remarque vaguement quelques plaques de neige accrochées à mes vitres, je prends la route de la douche comme un automate. Vous connaissez la suite de la routine, sauf qu’au moment de couler le café, au lieu de m’intéresser au chaudron d’eau, mon regard prend le chemin opposé et c’est la fenêtre finalement recouverte de neige qui attire mon attention. Je laisse donc le café à lui-même et m’approche de ma grande baie window (pas vraiment baie window, mais tout de même, je me dis qu’une window qui fait face à la baie peut sans doute porter ce nom et peut-être encore plus que les fenêtres des maisons des villes qui n’ont jamais vu la mer!). Bon je trouve un petit coin dégagé et plante mon œil droit dedans… et je n’y vois que du blanc (comme la laine d’un mouton blanc pour faire un lien avec le thème du jour)! Sophie, tu te rappelles cet immense rideau blanc du parc du BIC? Eh bien ce grand écran blanc est maintenant devant chez moi à Umiujaq. Espérant un vrai blizzard depuis maintenant 2 semaines, je regarde ce « mauvais » temps en n’y croyant guère et je continue à me préparer pour aller travailler. M’étant laissée rattraper par l’ombre de mes remords, je m’installe café à la main à la table de la cuisine pour avancer un peu mes devoirs d’Inuktitut. Je me dis que 20 minutes valent mieux que rien surtout que je fais piètre figure comparée à mon collègue qui assiste également aux cours avec moi et qui est franchement trop brillant (non, mais ils ne sont pas chiants un peu ces gens surdoués qui retiennent et comprennent tout sans montrer le moindre signe d’efforts!!!)! Je suis donc totalement concentrée dans mes ta ti tu ra ri ru nga ngi ngu quand on frappe à ma porte!?!!? Je lance un oui? Pas de réponses. Je me rappelle donc que la porte avant est barrée et je m’y dirige donc avec curiosité. Personne. Je me dirige alors vers la porte de derrière, donnant accès au corridor qui connecte mon appart à celui des voisins d’en haut (vous savez la voisine qui vient parfois aux toilettes chez moi). Ben oui, c’est Alain qui est là avec un sourire pour me dire qu’il n’y a pas d’école ce matin et que, joie ultime, nous n’avons même pas à nous rendre au travail! Mes remords s’envolent d’un coup, une poussée d’énergie me submerge et je vois les prochaines 5 heures comme un cadeau incroyable. On dit que le temps c’est de l’argent, mais aujourd’hui, je serais tentée de dire que le temps, ça n’a pas de prix!

Ma matinée blizardesque s’est transformée en journée complète de congé forcé. Izabelle qui travaille aux services sociaux a eu la brillante idée de m’appeler vers 9h30 pour prendre des nouvelles. Comme un seul homme, elle a bravé la tempête matinale et a sans doute été la seule à déambuler dans les rues du village pour se rendre au travail. Réalisant qu’elle serait la seule à travailler aujourd’hui, elle n’a fait ni un ni deux et a transféré du boulot à chez moi. C’est drôle, quand Izabelle m’appelle du travail, on peut s’envoyer la main par la fenêtre pendant qu’on se parle, mais aujourd’hui impossible de voir quoi que ce soit venant de la maison des services sociaux. J’ai laissé tomber l’inuktitut pour des cafés avec Iza et quand elle est partie, je me suis attaquée à Aya! Afin de faire durer le plaisir de cette BD, j’ai pris quelques pauses de lectures que j’ai occupées à avancer mon dernier travail d’anglais, à tricoter un nouveau foulard et à écrire quelques lignes. Maintenant, il est passé 17h00. Mes fenêtres sont recouvertes de neige. Je pense que ma maison ressemble à un igloo!


Tiqilik : teo4 : just kidding, c’est juste une blague (wow!!! Trilingue!!!)

À la cueillette des poissons avec Lucassie



Quelques clichés en vrac

Les braves élèves!
Mes cours de photos avec les élèves d’IPL sont la plupart du temps très intéressant. Peu importe ce que je leur propose, ils sont toujours partants, en autant que j’aie l’air enthousiaste. Ma dernière idée en liste avec eux a été de les faire sortir sur la plage par un jour de mini « tempête ». Je manque de photos hivernales nordiques. Bien sûr, j’ai toute une panoplie de paysages enneigés, mais la plupart du temps quand je sors, il fait « beau ». Je n’ai que peu d’amis prêts à sortir par mauvais temps… alors… je me suis dit que les élèves d’IPL… n’auraient pas le choix de suivre leur enseignante!!! Il ne faisait pas beau, il faisait froid, il y avait beaucoup de vent. Une fois dehors, une des élèves a quitté le groupe, se disant sans doute que j’étais un peu fêlée pour les faire sortir par un temps pareil!!! J’avoue que je me suis trouvée pas mal drôle lorsque nous nous sommes retrouvés sur la plage, essayant de ne pas geler sur place. C’était la première fois que I était avec nous. Il vient tout juste d’être transféré du secteur régulier vers ce cheminement particulier. L’année dernière, j’étais supposée de suivre cet élève en orthopédagogie, mais il a toujours refusé d’assister aux rencontres. Je me suis dit… ça passe ou ça casse! I a pris des photos, il m’a même posé des questions et… et… il est revenu au cours suivant, et au suivant, et au suivant!!! D a fait de belles photos, P n’avait pas de gants alors il n’a pris que peu d’images, S a suivi et a fait de son mieux tout en rouspétant, M qui est retournée chez-elle est sûrement allée se fumer un pétard en se disant que nous n’avions pas de bon sang!!!

Le fameux F-150

Mais je ne les torture pas toujours ces jeunes photographes très doués en passant. Il y a quelques semaines, j’ai emprunté le camion de l’école et nous sommes partis faire un tour au Richmond Gulf. Nous avons pris l’après-midi… et nous avons failli prendre plus… En bonne conductrice de la ville, à mi-parcours, je nous ai royalement enlisés dans le sable… Assise au volant de ce F-150, je ne pouvais pas croire que nous faisions du sur place! Trois élèves dans la boîte du camion et un à mes côtés pas du tout confiants ayant bouclé sa ceinture de sécurité. J’ai aperçu et entendu les sourires s’accrocher aux visages de mes jeunes acolytes! M est descendue de la boîte et s’est installée à côté de moi en me demandant si j’avais mon permis de conduire… P habituellement pas très expressif a laissé échapper quelques rires francs. Quand j’ai finalement débarqué du véhicule pour aller constater l’ampleur des dégâts, j’ai tout de suite compris que nous ne serions pas en mesure de nous en sortir seuls…  Quel ne fut pas mon soulagement lorsque j’ai vu apparaître au loin le loader. Lorsqu’il est arrivé à notre hauteur, j’ai fait un signe de la main au conducteur qui, le sourire aux lèvres m’a retourné la politesse… sans s’arrêter!!!! Je me suis donc mise à courir après notre sauveur qui à ce moment ne savait pas encore qu’il le serait! Gêné, je lui expliqué la situation. Il m’a regardé, l’air vraiment étonné et il a stationné son mastodonte à côté de notre petit F-150… Il s’est installé au volant et deux secondes plus tard. Il était sur la terre fermer, les quatre roues AU-DESSUS du sol! Ben oui, c’est vraiment plus facile quand on met le 4x4…
M est venu me demander si je n’étais pas un peu embarrassée par cette aventure et je lui ai répondu que oui, mais que je l’étais sans doute moins que si j’avais dû abandonner le camion et rentrer à pied jusqu’au village avec eux!

Nous y voilà déjà à ce premier stretch de complété pour cette deuxième année dans le nord! Noël est inévitablement une étape importante dans cet exil de 10 mois. Une semaine exactement me sépare de ma date… prévue de départ vers le sud. Déjà 4 mois de passés… Est-ce que c’est juste moi? Ciel que le temps passe rapidement. Même si je me suis ennuyée de vous au cours de ces premiers 4 mois, je n’en reviens pas encore d’être déjà arrivée au mois de décembre. Je vous dis donc à très bientôt. La bière sera bonne, mais sûrement pas autant que les histoires et les nouvelles que vous aurez à me raconter!

Passez un bon temps des fêtes. Si la tempête peut se clamer, je verrai peut-être le Père Noël et ses reines s’entraîner dans le ciel d’Umiujaq ;-)

Joyeux Noël et Bonne année!