samedi 3 mai 2014

Le long hiver Nunavikien et les réflexions qu'il suscite.

La course Terry Fox pour amasser des fonds pour
la Société Canadienne du Cancer 


Café terrasse en ce début de printemps!
Amitié : Sentiment d'affection entre deux personnes ; attachement, sympathie qu'une personne témoigne à une autre : Être lié d'amitié avec quelqu'un. (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/amitié/2916)

L’amitié….

Le Nord est un bon endroit pour réfléchir à ce concept variable. Posant mon regard du bout de ma solitude Nunavikienne, je me sens libre de toute interférence extérieure.

Quelle est votre définition de l’amitié?

Bon retour à toute la famille Caron-Larochelle
On est tous bien content de vous retrouver!
Avez-vous différents types d’amis? Où plutôt différents degrés d’amitiés? Et à bien y penser, ne devrait-il pas y avoir différents vocables pour préciser ce concept devenu tellement large?

Selon Facebook, j’ai 195 amis… Tiens je croyais en avoir 196 la dernière fois que j’ai regardé! Il semblerait que j’aie perdu un ami… Mais qui de cette fabuleuse communauté a osé ainsi me renier???

Mes réflexions sur l’amitié

L’amitié de passage (ou ponctuelle, qui est souvent intense et éphémère), l’amitié sincère (la vraie amitié, qui peut aussi être une amitié de passage en passant), l’amitié utilitaire (comme dans avoir besoin d’un ami dans un but précis), l’amitié ultime (qui résistera au temps, aux changements, aux situations délicates, aux écarts de conduite, à la distance, à la différence, aux silences), l’amitié superficielle (celle qui sourit beaucoup de ce sourire figé et commercial, qui reste en surface), l’amitié circonstancielle (qui peut parfois devenir sincère et ultime).

En vérité, peut-être y –a-t-il autant de types d’amitiés qu’il y a d’amis?

Et quelles sont vos catégories d’amitié à vous? Un jour lors d’un de mes retours du temps des fêtes, alors que je passais la soirée avec des amis (je ne saurais dire de quelle catégorie, sorry) quelqu’un m’a demandé :
- « Mais Vikie, ce sont qui tes vrais amis? » 
- La vérité ne réside pas en nous même que je me suis alors demandé.
Si je suis vraie (mais peut-on être vrai tout le temps?), les amis avec qui je suis seront alors vrais. Je n’y ai pas pensé sur le coup… Et par souci de ne pas blesser cette personne, j’ai répondu : « Mais voyons, mes vrais amis c’est vous! ». Est-ce que j’ai été criante de vérité avec cette amie par ricochet (tien tien une nouvelle catégorie comme dans l’ami de mon ami est mon ami)?            

Et pour terminer sur l’amitié, quelle sorte d’ami êtes-vous? Vous a t’on déjà reproché d’être un mauvais ami? Vous a t’on déjà renié, rejeté ou mis de côté? Allez, ne soyez pas orgueilleux! Ça m’est arrivé… Au moins deux fois… On m’a quelques fois reproché d’être une amie trop indépendante… N’est-ce pas là une qualité fondamentale de l’amitié? L’indépendance ne devrait-elle pas être à la base de toutes relations interpersonnelles? Maintenant que j’y pense, ceci explique peut-être cela… Hahaha!
Indépendance et vérité… Voilà! Je pense que je viens de mettre le doigt sur les fondements de mon humanité, mes objectifs à atteindre, les idéaux de ma réalité!


Dans le même ordre d’idées, ici je souhaiterais rendre hommage aux 450 âmes d’Umiujaq! En citadine que je suis, j’ai dernièrement commencé à ressentir le poids de ce cercle fermé délimité par ses 5 rues (oups maintenant 6) et isolé géographiquement du reste du monde. Par un quelconque après-midi de février, je me suis mise à m’imaginer, adolescente ou jeune adulte, vivant à Umiujaq depuis ma naissance… Une sorte de stress a alors pris naissance en moi. Passer son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte entouré des mêmes 450 personnes… D’ami à ennemi à ami, de mari à plus mari à mari, d’agresseur à collègue de travail à agresseur, de chicanes en réconciliations en chicanes, d’admiration à envie à admiration… Passer toute une vie entourée des presque mêmes 450 personnes… Voyager entre chacune de ces extrémités, dans une sorte de va-et-vient perpétuel qui finalement sert sûrement de balance et d’outil de résilience. On dit qu’il y a beaucoup de problèmes au Nord et c’est vrai, mais parfois je me dis que ça pourrait tellement être pire! Ça va faire bientôt 4 ans que je suis ici et ma nature de non-Inuit citadine commence à refaire surface! Chassé le naturel et il revient au galop (comme dans aller faire du Cheval sur la rue Ontario)!
Donc bravo et merci à cette communauté de 450 âmes. Bravo de ne pas sombrer définitivement dans un déséquilibre collectif et merci de me permettre de repousser un peu plus chaque jour les limites de ma tolérance. Je partirai d’ici meilleure, mais je partirai aussi avant d’atteindre mon propre déséquilibre…

(Bon là j’entends déjà des gens me demander… Vikie c’est ta dernière année? Mais non que je répondrai. Je viens de décider de revenir pour une autre année… mais ne nous le cachons pas… je sens que je suis maintenant plus près de la fin de cette incroyable tranche de vie que du début.)

Parlant tranche de vie… Saviez-vous vous que le Nunavik était un laboratoire expérimental? « Moi je viens ici pour vivre une expérience! » Entendre : « Même si je ne suis pas qualifié pour l’emploi visé, je postule quand même (et ma candidature est retenue… phénomène désespérément très courant ici) et je me dis que ces quelques mois seront enrichissants pour moi… et peut-être moins cependant pour les personnes avec qui je travaillerai (mais ça évidemment c’est moi Vikie qui le dis…).  Je sais bien que je fais partie de ces gens qui ont un égocentrisme légèrement supérieur à la moyenne… Mais là! S’il vous plait!  Si un jour je pose des gestes semblables, dites-le-moi, arrêtez-moi, giflez-moi!!!!!!

Course de qamutk à l'approche
de noël!
18h08… Le soleil me réchauffe les orteils et fait planer un sourire sur mes lèvres. La musique en arrière-plan et des images plein la tête me font voyager. Journée enrhumée, passée à tricoter plutôt qu’à aller travailler. Je remonte le fil de mes pensées (comprendre que je relis la liste d’idées et de réflexions que je mets périodiquement sur papier) et je tombe sur cette phrase que j’ai écrite au retour de Noël :

- Les enfants d’aujourd’hui seront le village de demain…

Quelle grande vérité qui manque d’originalité vous me direz! Et vous n’avez presque pas tort. À l’exception près qu’ici, je peux nommer presque tous les gamins par leurs prénoms. Donc, si je reviens au village dans 15 ans, Alasie, Parsa, Dorothy, Aileen, John, Akuliak, James, Josie, Samson, Caroline, Johnny, Maggie, Davey Lee, Masta, Lizzy, Abelie, Elisapee, Malaya, Angusa, Dinah, Elijah, Louisa, Allie, Alec, Dorena, Minnie, Sarah, Mary, Aliva, Lorita et les 180 autres que je n’ai pas nommés, seront vraiment le cœur de cette communauté. Ils seront les parents, les modèles, les travailleurs, les passeurs culturels et les moteurs du village. Tiens, ça me fait penser qu’il s’agit sûrement d’une raison valable (parmi tant d’autres) pour ne pas prendre le Nunavik comme un laboratoire expérimental de développement personnel…

Mais revenons à nos moutons…

À Umiujaq, je pense donc que beaucoup d’enfants sont vieux avant d’avoir fini d’être jeunes…

Un fait divers Nunavikien. Un samedi, J. entre à l’école par effraction. Il a 9 ans maximum. On le reconnaît sur la vidéo de surveillance de l’école. Pas dupe le petit. Se sachant surveillé par l’œil indiscret d’une caméra, après avoir commis son délit, il s’assure de subtiliser l’écran qui projette les images filmées… (Bon, il n’a pas tout à fait compris que l’écran n’enregistre pas les images…) Comme les caméras ne couvrent pas tous les corridors de l’école, ça nous prend bien 3 ou 4 visionnages avant de comprendre le mobile du jeune garçon. J. est entré par effraction à l’école, un samedi soir, pour aller chercher de la nourriture dans la cuisine…

Au moment où j’écris ces lignes, je vois J de ma fenêtre. Emmitouflé dans son manteau (pas trop chaud) d’hiver, installé sur son trois skis, il cherche le meilleur angle de glisse pour dévaler la congère de neige formée à quelques pieds de ma maison. Avec son sourire accroché au visage, sous la lumière chaude de ce coucher de soleil hivernal, J. ressemble à n’importe quel enfant…  Assise dans ma chaise hamac, avec le soleil qui me réchauffe les orteils et le sourire qui s’estompe tranquillement de mes lèvres, j’imagine que je ressemble à n’importe quel adulte qui se demande si J. mangera quelque chose ce soir…

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Pourquoi ne pas aller marcher
jusqu'au Nunavut?


Samedi 3 mai 2014. Ciel gris, pluie, neige qui fond. Jean Leloup habite ma matinée. Le café est bon et le hamac confortable. Journée parfaite pour terminer ma chronique que je traine depuis déjà trop de mois (dans l’espoir peut-être d’avoir plus d’histoires à raconter…). L’hiver a été long à Umi et le printemps ne se pointe que timidement… Peu de sorties On the Land comme on dit ici. Peu de photos aussi. Mais je tricote!!!!  Foulards et tuques n’ont plus de secret pour moi! Et croyez-moi, il y a quelque chose de très satisfaisant à tricoter ;-) L’idée m’a même effleurée à quelques reprises de devenir tricoteuse professionnelle!!!


Trace de caribous!!!



Benoit et Tiphaine


Du Shiatsu au Nunavik
Je réalise que dans l’étirement du temps entre mes périodes d’écriture, j’ai oublié de vous parler du Shiatsu au Nunavik, de Benoit et Tiphaine qui sont venus bénévolement (et en partie grâce à votre soutien financier, car vous le savez, voyager au Nunavik n’est pas donné) partager leur approche de la vie avec les jeunes de l’école. Visualisation, détente, approche saine du touché, relaxation… Ils pourraient vous en parler beaucoup mieux que moi. Mais ce que je sais cependant très bien c’est que de temps en temps, un élève me demande : « Vikie, tu te souviens des massages? Si on prenait 5 minutes à la fin de la période pour relaxer? » Un merci sincère à Benoit et Tiphaine pour leur générosité, leur ouverture, leur disponibilité et leur vision positive de notre communauté. J’ai aimé les entendre me faire leur compte rendu quotidien, j’ai aimé voir leur regard, j’ai aimé jouer dans le blizzard avec eux, j’ai apprécié de les côtoyer à l’école. Ils ont donné sans compter aux enfants d’Umiujaq, avant, pendant et après leur visite.



Puis il y a aussi eu la pré-relâche qui m'a mené jusqu'en Gaspésie avec ma Sister et nos tapis fous!!!







Mon projet pour l’an prochain : Photo Voice. En fait, pas tant mon projet qu’un projet que je supporterai. Dans le cadre d’un travail de recherche universitaire (oups attention de ne pas tomber dans le laboratoire expérimental…), Georgia a développé un atelier de « photoréflexion » sur la santé mentale. Présent dans quelques communautés par le passé, j’avais lu sur ce projet. Quand j’ai su que Georgia cherchait une nouvelle communauté à visiter, je l’ai contactée. J’ai tout de suite aimé son approche photographique comme moyen d’expression. Elle viendra donc nous visiter l’automne prochain et offrira des ateliers sur la santé mentale. La photo servira de médium principal d’expression pour aider les jeunes adolescents à définir ce que c’est que d’être en santé mentalement. J’ai hâte de découvrir ces élèves du secondaire que je connais moins. Je me vois déjà dans la toundra avec eux, appareil photo à la main!

Sur cette note d’enthousiasme, je vous laisse, car mon troisième café matinal m’attend.





Ha! Mais parlant de café, ça me fait penser à un fameux dimanche matin. Nich, tu te souviens? Comment pourrais-tu avoir oublié!!?? Dégustation à l’aveugle de café. C’était l’idée de qui au fait???
Bon, je vous explique. À Umiujaq, toutes les heures qu’on sauve à ne pas être pris dans le trafic, à ne pas magasiner, à ne pas prendre 30 minutes pour aller travailler… et bien on les utilise pour faire toutes sortes de découvertes… Donc, une de nos dernières découvertes à Nich et moi s’est révélée être les descriptifs inscrits sur les sacs de café : belle amertume, costaud et puissant ; vif, puissant, corsée et rond (!!!);  riche, bouquet fleural et crémeux… (Ça ne vous fait pas un peu penser aux descriptifs de vin ou aux noms des échantillons de couleurs de peinture?). Donc, rempli de curiosité, Nich et moi on s’est demandé si on serait capable d’identifier à l’aveugle les cafés à partir de ces descriptions révélatrices… Et comme on a beaucoup de temps à Umiujaq, un dimanche matin, nous nous sommes transformés en goûteurs professionnels! Bon, pas très professionnel, car notre méthode d’échantillonnage n’a pas fonctionné du premier coup… mais nous avons tout de même suivi le modèle de la méthode scientifique.

Le tout a commencé un dimanche matin de février avec 3 sacs de café Cambio. Après une semaine de réflexions afin d’élaborer notre méthode de goûtation (je vous l’ai dit… ici on a vraiment beaucoup de temps pour réfléchir et aussi pour inventer de nouveaux mots…) nous avons procédé à la première tournée…

Méthode (assurez-vous de lire la méthode jusqu’à la fin et portez une attention particulière à l’étape 8b et aux conclusions… de plus, si suite à la lecture vous envisagez toujours de faire une dégustation de cafés, ne le faites jamais seul et assurez-vous d’avoir accès à un CLSC en cas de besoin):

1-D’abord, numéroter les sacs de café de 1 à 3.
2-Ensuite, inscrire les numéros sur des bouts de papier et les coller sous des verres de manière à ne pas voir les chiffres.
3-Prendre 3 verres identiques.
4-Étape cruciale : éteindre toutes les lumières afin de diminuer la luminosité le plus possible. Cela évite de laisser voir la couleur des grains qui seront versés dans les verres.
5-Donc, installer le sac 1 derrière le verre avec l’étiquette 1, le sac 2 derrière le verre avec l’étiquette 2 et le 3 avec le 3. Simple n’est-ce pas?
6-Une fois que les grains de café sont dans les verres respectifs, mélanger les verres une première fois.
7-Prendre une pause d’une dizaine de minutes (vous pouvez commencer à préparer le déjeuner).
8-Remélanger les verres (je conseille d’alterner entre les goûteurs pour le mélange des verres).
9-Et c’est parti!!!!! Prendre les grains d’un des verres, les passer au moulin et préparer 2 expressos bien tassés! Chaque goûteur doit avoir un crayon et un papier pour noter le numéro correspondant au café goûté. À cette étape, il faut aussi disposer les sacs de café avec les descriptions devant les goûteurs afin de permettre la réflexion analytique sémantique et gustative. Quand la première dégustation est terminée et que le choix est noté, si vous avez accès à de l’eau pétillante, il est recommandé d’en prendre un verre entre chaque café afin de réinitialiser les papilles gustatives. Nous n’avons pas eu ce luxe ici, car le 750ml de Perrier se vend 12$ à la COOP!!! Mais si c’était à refaire… et je ne suis pas certaine que ça arrivera… je me paierais définitivement le luxe et les vertus digestives du Perrier Nunavikien… Qu’en dis-tu Nich? Tu serais prêt toi à investir dans l’eau pétillante?
Donc, une fois le premier verre testé, il suffit de passer au second, puis au troisième. Bien sûr, des pauses sont recommandées entre chaque café!!!!

Quelle méthode scientifique me direz-vous!!! Nous nous sommes effectivement posé une question, nous avons fait des hypothèses, nous avons fait une expérimentation, nous avons écrit nos résultats et nous avons tiré nos conclusions :

7 expressos (oui oui 7, car après la première tournée test de 3 cafés, je me suis rendu compte que j’avais oublié d’élaborer un système de classement des verres utilisés et qu’il nous était impossible de relier la dégustation 1 au premier verre… bref, il faut ajouter l’étape 8b à la méthode, soit celle qui dit : sur une feuille assez grande pour contenir les 3 verres, tracer un tableau de 3 cases et inscrire dans chacune d’elle le numéro de la dégustation. Placer ensuite un verre par case et procéder à l’étape 9, en faisant bien attention de replacer le verre sur la bonne case après caque test) donc, 7 expressos (parce qu’à la deuxième tournée expérimentale, on a décidé d’ajouter un 4e café pourquoi pas!!!) en une seule matinée (dont 4 en moins de 30 minutes) c’est beaucoup beaucoup beaucoup trop! Ça donne mal au ventre. Ça donne des palpitations cardiaques. Ça coupe l’envie de discuter. Ça donne cependant envie d’appeler le nursing…



Et les noms des cafés dans tout ça??? Et bien, on a conclu que les noms donnés aux cafés n’ont rien à voir avec leur goût!

Ahahaha! Juste à l’écriture de cette belle mésaventure, je sens mon ventre gargouiller! Devrais-je prendre ce troisième café?

Sur cette question existentielle, je vous souhaite un bon mois de mai à tous! Ici, les dernières semaines vont passer très vite. Dans quelques jours, la neige laissera place à la toundra, le moteur de mon Honda se fera entendre et notre courte saison de camping commencera!

Allez! J’y vais pour un troisième café!!!

Vikie


Hommage au policier  Steve Dery décédé en devoir à Kuujuaq



2 commentaires:

  1. ha ha ! superbes sleepers et tuque !
    pour alimenter ta réflexion : https://www.youtube.com/watch?v=rTXL75wutvY
    Je rentre d'un 10 jours de retraite de méditation vipassana. voilà qui se travaillerais très bien à Umi !

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  2. Salut Vikie, J'espère que tu vas bien. Merci de partager tes aventures. Ça fait du bien lire ton style pittoresque et detendu. Je crois qu'il t'habite un esprit curieux qui te demande sans cesse de l'entretenir. Ce que fait le shiatsu avec les massages tu le fais avec tes chroniques. À la prochaine!

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